L’INNOCENCE ET LA BARBARIE
Longtemps les films de Philippe
Garrel furent quasiment invisibles. Seul Le Révélateur
était édité en vidéo, une timide rétrospective avait eu lieu
au cinéma Grand Action. Mais depuis quelques mois, tout s’accélère,
les Cahiers du cinéma ont édité un dvd rassemblant Naissance
de l’amour et Sauvage Innocence, la rétrospective
Zouzou au Centre Pompidou faisait une large place à ses films,
et la Cinémathèque Française organise en juin 2004 une véritable
rétrospective (avec de nombreuses copies neuves !) en
hommage à celui qui flotte toujours entre Nouvelle Vague et
expérimental, dont la nostalgie n’a d’égal qu’une intense
mélancolie, et qui fait de chaque visage une icône surexposée.
|
 |
|
|
1968 : Le Révélateur est autant
celui d'une esthétique que d’un cinéaste dont les thèmes obsessionnels
reviennent en boucle jusqu’à hanter son dernier film, intitulé
Sauvage Innocence, comme si Garrel réfléchissait lui-même
sur son art. Sauvage innocence, c’est la plus parfaite
définition d’un cinéma qui parvient à adoucir les visages
dans une lumière crue, à transformer les enfants en démons
inquiétants et à faire du Christ un étrange candide.
L’innocence et la barbarie. Afin d’incarner ces deux principes
fondateurs, Garrel choisit quelques figures emblématiques,
à moins que les figures ne furent elles-mêmes fondatrices :
Zouzou, son visage neutre et sa voix grave, Jean Seberg et
son allure gracile qui disparaît dans la surexposition, Nico
bien sûr, dont le fantôme traverse cette œuvre douloureuse,
dont la blondeur et l’angélisme se brisent violemment contre
la blancheur d’une poudre mortelle.
|