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Dans le vif du sujet avec Blue Velvet

Blue Velvet
Je sais par l’enseignante que les élèves n’ont pas aimé le film. Je commence donc par leur dire que l’on va travailler ensemble à rechercher dans la construction du film, en revoyant précisément les scènes, ce qui leur permettra peut-être de le voir autrement. J’insiste sur l’idée que le cinéma est un langage et qu’il y a souvent un au-delà de l’histoire qui nous est apparemment racontée, plus essentiel. Je commence par parler un peu du cinéaste David Lynch, de son œuvre et d’explorer avec les élèves ce qu’ils connaissent de lui. Puis je leur demande de me dire ce qu’ils n’ont pas aimé. L’un d’eux dit que « c’est un film de fou ». D’autres évoquent alors pour surenchérir, le fétichisme de Franck ou encore le masochisme de Dorothy. Je souligne qu’effectivement, tout cela existe bel et bien dans l’humanité et que ça n’est pas d’hier non plus que les histoires nous content de quels actes extrêmes l’homme est capable, comme pour mieux nous en libérer. J’évoque la fonction alors cathartique de la  mise en scène théâtrale des monstruosités dont regorgent les mythes de la Grèce antique. Je leur fais remarquer qu’ils ont pourtant plaisir à regarder des films avec des meurtres et des violences bien pires que ce que l’on voit dans le film. Qu’est-ce donc qui les dérange ici ? Jeffrey et Sandy sont proches d’eux, « convaincants » dit quelqu’un. Les situations sont réalistes.

Un élève m’apostrophe parce qu’il trouve que l’intrigue policière est « mal racontée ». Je lui indique que c’est plutôt que l’intrigue policière n’est justement pas le propos de Lynch. Quelqu’un dit : « c’est un prétexte !». Le même ajoute qu’il a remarqué qu’on entre d’abord dans une petite ville bien tranquille puis que l’on pénètre dans un univers souterrain, sordide pour finalement revenir au même univers lisse. La boucle est ainsi bouclée. Le film est structuré avec précision. Nous allons revoir en détail les scènes qui s’y rapportent, mais aussi le fait que l’on ne revient pas à cet univers lisse, de la même manière qu’avant, puisque cette fois, on n’est plus naïf (même l’oiseau de paradis mange des cafards !).  Je leur demande s’ils n’ont pas aussi remarqué que l’on sort de l’histoire par l’oreille de Jeffrey, assoupi, comme si peut-être tout n’était sorti que de son imaginaire. L’essentiel du film, au-delà de l’intrigue criminelle, serait alors davantage du côté de l’initiation d’un jeune homme aux affres de la sexualité.


Qu’est-ce que ça veut dire ?

 
Un autre élève dit qu’il ne comprend pas la scène de la ballade en voiture. « Ca ne sert à rien dans l’histoire ça ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Ca veut rien dire du tout ! ».  J’en profite pour leur rappeler que rien n’est du hasard dans un film et que tout est là pour quelque chose. Que l’on n’en comprenne pas le sens est une chose, mais cela ne veut  pas dire que ça n’en ait pas. Souvent, parce que cela les contrarie de ne pas comprendre, certains préfèrent dire que « c’est nul ». J’annonce que nous allons jouer à considérer tout film comme une énigme à résoudre, bien que toutes nos interprétations ne pourront pas toujours nous garantir que c’est bien ce que l’auteur a voulu dire. Le relativisme n’est pas total pour autant. Nous examinerons ainsi ensemble plusieurs éléments (ceux du franchissement risqué des barrières, derrière lesquelles quelque chose se cache, par exemple) qui convergent et nous permettent de considérer notre hypothèse comme juste, fiable même si l’auteur n’a pas forcément construit son film avec la pleine conscience de tous ces éléments. Les images viennent parfois aux artistes par intuitions comme des flashes, des évidences. D’ailleurs, David Lynch ne s’en explique pas. Il considère que le film parle suffisamment par lui-même et il n’a rien de plus à ajouter, sinon, il serait critique et non pas cinéaste. Concernant la scène de ballade en voiture, on peut noter qu’elle aboutit au fait que Franck embrasse Jeffrey sur la bouche, le menace d’une lettre d’amour synonyme d’une balle dans la tête puis le passe à tabac, le laissant presque mort. Enfin, Franck dit à Jeffrey d’écouter les paroles de la chanson d’Elvis : « In dreams, you’re mine. In dreams, I walk with you… ». C’est donc entre autre déjà nous amener sur les chemins d’autres pulsions, à savoir, du côté de l’homosexualité. Mais c’est aussi, encore une fois, associer l’amour et la mort avec l’avertissement qu’on ne joue pas impunément avec le feu. Quant à l’attention portée aux paroles de la chanson, n’est-elle pas un indice supplémentaire du caractère fantasmé de toute l’aventure vécue par Jeffrey ?...






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Mulholland Drive : Site officiel du film
Lynchland : mini-site dédié à David Lynch