Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
Eloge de l’inconfort

Blue Velvet
Nous sommes donc heureuses, l’enseignante et moi, d’avoir malgré tout persévéré dans nos attachements et de nous retrouver, en ce jour, pour un travail plus approfondi, un nouveau défi à relever. En début d’année, elle était venue me trouver, pendant la formation destinée aux enseignants, paniquée par son choix d’un film qu’elle ne se sentait pas prête à soutenir seule, même si elle percevait l’intérêt de le montrer à ses élèves. Je la rassurais.  Du moment que l’on en parlerait ensuite avec eux, que l’on accompagnerait l’expression de leur ressenti, qu’on les aiderait à comprendre ce qui les avait laissé perplexes la première fois en revoyant les images, il n’y avait rien à craindre. Au contraire, ça ne pouvait être qu’un enrichissement. Parce que les films choisis ne sont certes pas lisses, ne venant en rien conforter nos illusions d’un monde merveilleux. Mais au moins nous disent-il quelque chose de juste et d’important sur la vie. Chaque film est comme une initiation à la vie. Or l’initiation, ça n’est jamais simple. Ce n’est jamais naïf. Ce n’est pas exempt d’une certaine violence. Pas une violence qui détruit tout gratuitement, comme le cynisme. Mais une violence qui est de nous forcer à voir enfin ce que l’on avait ignoré jusque là ( le refoulé), par confort mais qui risquerait de nous « tuer » si on n’y prenait gare désormais.

Cela peut paraître bien abstrait. Mais le processus se vérifie précisément pour chaque film que nous accompagnons. Toujours, il nous dessille, mais pour y parvenir, les élèves on besoin de l’aide d’un passeur, comme, nous avons les nôtres, et ainsi de suite.  Ce travail mis en place au travers d’un dispositif comme Lycéens au cinéma, sert donc aussi à mon sens, la reconstruction d’un lien de parole entre les générations, qui nous aide à mieux vivre ensemble. Dans un monde où les liens et les traditions s’effilochent, où l’humain se perd en utilitarisme et rentabilité nous cherchons à revenir à l’essentiel : comment se constitue le sujet ? Comment l’être parvient-il à exister ? Par quels chemins doit-il nécessairement passer ?

 
Ces quelques mots pour dire que cela compte pour moi de pouvoir travailler au long cours avec les mêmes personnes parce qu’ainsi, on avance mieux, me semble-t-il. La variété des interlocuteurs peut aussi être une richesse mais cela n’est pas exclusif et il serait bien d’envisager la possibilité d’une régularité par ailleurs. Ce que l’on construit n’est en effet jamais abouti en une seule fois. Il y a donc dans ces interventions uniques quelque chose d’un inachevé, insatisfaisant… Je  m’appuie là sur une expérience que j’ai, à contrario, depuis deux ans avec un groupe de patients, et pour lequel il me semble que ce qui se transmet entre eux et moi, s’enrichit au fur et à mesure que le temps passe, parce qu’une vraie relation se noue. N’est-ce pas aussi important qu’un contenu à transmettre ?