Jean Vigo disait, à propos de Un chien andalou de Luis Bunuel que "l'analyse trop sèche, image par image, est chose impossible pour un bon film, dont il faut respecter la sauvage poésie". Le mot est lancé et va parfaitement à l'œuvre de Vigo, et à son unique long métrage.

L'Atalante, qui raconte l'histoire d'une initiation amoureuse, est un film à la poésie sauvage, d'une grande modernité. Au fil du récit, et de l'eau, Juliette et Jean, jeunes mariés, mettent à l'épreuve leur amour, apprennent à le vivre à deux, à s'accorder l'un à l'autre.  Et ce n'est pas facile! Voilà déjà une première originalité du film que de raconter les difficultés que représente, dans sa nouveauté, la vie de couple.

La où souvent les films finissent - le mariage - ici il commence. Avec solennité, parce que le moment est important, mais aussi avec légèreté et humour, parce qu'ainsi va la vie, les mariés passent de la terre à l'eau comme on passe de la contrainte au plaisir. Le ton est donné, les aller-retour du film posés, entre émotion et dérision. Les épreuves que traversent Juliette et Jean, qui sont comme des passages de frontières, d'ordre symbolique et magique, concernent la place de chacun vis à vis de l'autre, les caractères qui s'affrontent, les habitudes et les envies qui s'opposent et s'accordent difficilement. D'abord, il y a la vie à bord de la péniche, toujours en déplacement au fil de l'eau, flottant dans un monde à part, avec ses règles particulières, sa routine et son ennui aussi.