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Alan Clarke (c) D.R.
CONTACT
ELEPHANT
d’Alan Clarke
Par Andrea GRUNERT


CHANT D’OISEAUX DANS UN PAYSAGE DE BATAILLE

Depuis qu’il a éclaté il y a une trentaine d’années, le conflit en Irlande du Nord a  largement contribué à ce triste répertoire d’images télévisées sur la violence, l’échec politique et la perte de vies humaines. Et la fiction du grand et du petit écran en a fait tout naturellement un de ses thèmes. Deux des films produits pour la télévision anglaise sont au centre de cet article, à savoir Contact et Elephant, réalisés par Alan Clarke (1935 – 1990). Héritier de la tradition du free cinema des années cinquante et soixante, Clarke fait partie de ces cinéastes britanniques préoccupés par les questions émergeantes de leur contexte social immédiat. La délinquance juvénile, la peine de mort, le chômage, l’inceste, le racisme et la corruption font partie des sujets que le metteur en scène a abordés dans des films tels To Encourage the Others (1972), Penda’s Fen (1974), Diane (1975), Scum (1977 et 1979), Beloved Enemy (1980) ou Road (1987). Leurs protagonistes sont très souvent des exclus de la société industrielle contemporaine - des sans-abri, des chômeurs, des jeunes défavorisés comme le skinhead Trevor dans Made in Britain (1983) ou des hooligans dans The Firm (1988). Dans la trentaine de films qu’il a tournés depuis le début des années soixante-dix, le réalisateur pose un regard critique et sans complaisance sur son environnement culturel, un regard qui révèle les zones d’ombres au sein de la société britannique dans des films qui accordent la parole à ses laissés-pour-compte et qui vont à l’encontre de l’idéologie politique dominante.


DE LA VIOLENCE ET DES HOMMES

  Alan Clarke (c) D.R.
Clarke a réalisé la plupart de ses films pour la télévision. Il en est ainsi pour Contact et Elephant qui ont été produits pour la BBC de l’Irlande du Nord ; le premier en 1984, le deuxième en 1988. « Contact and Elephant function as a cinematic diptych about the Irish problem ». (1) : Contact traite du quotidien d’une section de soldats britanniques à Crossmaglen dans la province du South Armagh ; Elephant, tourné à Belfast, décrit une série de meurtres politiques. Le récit filmique de Contact (2) est constitué des épisodes du quotidien des jeunes soldats qui sont répétés trois fois : l’action, c’est à dire la patrouille, le repos après celle-ci, la préparation de l’action suivante. Dès les premières images, la violence est introduite comme figure centrale. Les soldats arrêtent une voiture sur une route en pleine campagne ; ils la fouillent, menacent les occupants et tuent l’un d’eux. En fait, l’action militaire se définit par la recherche de terroristes et de bombes. À un moment donné, le commandant examine une voiture garée au bord de la route. La caméra s’attarde sur la voiture et l’homme, créant ainsi un sentiment de grande tension. La recherche n’aboutit pas ; il semble que la voiture ne soit pas piégée. Ce n’est qu’au moment où le commandant s’éloigne du véhicule suspect que la tension diminue. Pourtant, elle n’est pas complètement évacuée. Le doute intervient quand, sur un signe de l’officier, un des jeunes soldats s’approche de l’automobile. Ce sentiment de doute est tout de suite confirmé. On voit le commandant qui disparaît dans le paysage et on entend l’explosion dont le soldat est victime. Craignant d’être tués à chaque moment par un franc-tireur ou des explosifs cachés, les soldats vivent une menace réelle en se trouvant face à un ennemi qui, la plupart du temps, reste invisible.