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Elephant (c) D.R.
Ils sont victimes de la violence qui envahit toute leur existence dans cette région frontalière avec la République d’Irlande. Mais la première séquence révèle déjà qu’ils ont, eux aussi, un penchant pour la violence. Le sadisme est le sentiment qui devient la force motivationnelle expliquant les actes du commandant qui sont reproduits par ses subordonnés. Dans la première séquence, il traite les occupants de la voiture arrêtée brutalement et tue l’un d’eux de sang-froid. Ce sont la rapidité et la précision de l’acte meurtrier qui font frissonner. Le commandant tue méthodiquement comme si de rien n'était - comme en passant. La mise à mort d’un être humain se transforme en geste ordinaire. Dans une autre séquence, l’officier pose le canon sur la joue d’un suspect, puis le lui enfonce dans la bouche. Encore une fois, la caméra se fige sur ces images et crée ainsi une tension qui n’est abolie que par un arrêt sur l’image. Cette tension est encore augmentée par l’expression de l’homme menacé dont l’angoisse mortelle est inscrite sur le visage. À l’occasion d’une patrouille nocturne, les soldats réveillent un enfant dans une tente dressée en pleine campagne. L’enfant angoissé observe les soldats en se bouchant les oreilles. À d’autres occasions, les soldats maltraitent des civils par des coups de pied et de poing ou les menacent verbalement de mort. Victimes de la violence, les protagonistes de Contact en sont aussi les distributeurs : ils sèment la terreur et laissent libre cours à leurs frustrations et leurs pulsions sadiques. Le film ne donne aucune explication psychologique des actes des soldats. L’évidence du danger permanent auquel ils sont exposés explique leur brutalité en partie seulement. Le film se contente de suggérer ce lien entre l’état psychique et les conditions particulières d’une guerre sans l’élaborer. À cet égard, il reste un argument insuffisant qui permet d’interroger les actes de violence représentés. À force de se sentir observés et menacés, les soldats semblent voir un franc-tireur derrière chaque buisson. Chaque homme qu’ils rencontrent est traité comme un ennemi présumé. Pourtant, certains de leurs actes font preuve d’une violence outrée qui dépasse sans doute les ordres militaires. La frontière entre victimes et bourreaux devient floue ; une fois compromise, elle est suspendue. Cette stratégie est renforcée par le manque de renseignements sur l’identité des personnes soupçonnées ou arrêtées : il n’est pas toujours évident de savoir s’ils sont coupables ou innocents.

De prime abord, Elephant fait une distinction plus nette entre les assassins et les victimes bien que le film sans dialogues ou commentaire ne livre aucune explication sur les mobiles pour les dix-huit meurtres qui sont commis dans les trente-huit minutes que dure le film. Les seuls protagonistes sont les meurtriers et les victimes et quelques personnages qui sont parfois montrés avec ces derniers mais qui s’échappent avant que la violence n’éclate. Le film se concentre sur les meurtres et sur la violence que les uns répandent et que les autres subissent dans un anonymat total. Ce sentiment d’anonymat est accentué par le choix des lieux qui sont tout à fait ordinaires : une piscine publique, un restaurant fish and chips, un parking, un entrepôt abandonné, une station d’essence, un terrain vague sur lequel on joue au football, un jardin public, des bureaux, des appartements. Les assassins surprennent leurs victimes sur leurs lieux de travail ou pendant qu’ils sont en train d’accomplir les tâches du quotidien. De même que les assassins et les victimes sont généralement habillés de manière très ordinaire, portant des jeans, des parkas, des pull-overs, des manteaux, des tenues de loisir ou de travail comme des survêtements de sport ou des salopettes (3).