LE TEMPS D’UNE CIGARETTE
Fumer une cigarette n’est pas un
acte anodin pour tout le monde. Bien sûr, dans le court-métrage
Coffee and cigarettes, Tom Waits et Iggy Pop conviennent
que les gens qui fument sont ridicules. Ils peuvent le dire,
car eux-mêmes étaient de grands fumeurs, et qu’ils ont arrêté.
Et si un paquet traîne sur la table où ils se sont retrouvés
pour boire un café, c’est pur hasard...
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Tom sort une cigarette du paquet,
l’allume, et tire dessus, sous les yeux médusés d’Iggy. Puis,
avec un air satisfait, il s’explique, avec une mauvaise foi
désarmante : il a arrêté de fumer, donc il fume une cigarette,
ce qui n’est pas la même chose que de simplement fumer
des cigarettes. Iggy saisit la nuance, et « grille
une tige » à son tour.
Le problème de la dernière cigarette, pour le fumeur, peut
s’apparenter à celui du dernier verre, pour l’alcoolique,
dont Deleuze disait qu’il ne peut jamais être que l’avant-dernier,
parce que le dernier verre est synonyme de mort. On peut en
dire autant de la dernière cigarette dans les films de Jarmusch,
qui est, comme dans les films de guerre, celle du condamné.
LA CIGARETTE
Il n’y a pas un film de Jarmusch
où la cigarette n’occupe une place privilégiée, méritant qu’on
s’y attarde. Le problème ne date pas de l’apparition auto-parodique
du cinéaste dans l’inutile Brooklyn Boogie où il dit
fumer sa dernière « clope », sans qu’on y croie
vraiment (et sans doute lui non plus). On fume beaucoup dans
tous ses films, de Stranger than Paradise où Eva, pour
faire plaisir à Willie, achète une cartouche de « Chesterfield »,
à Night on earth où Corky, la jeune conductrice de
taxi, enchaîne cigarette sur cigarette, se le faisant même
reprocher par sa cliente, en passant par Mystery Train
où Jun, le touriste japonais, a toujours une « blonde »
prête derrière l’oreille au cas où...
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