La nuit dernière, la télévision
a rediffusé Elephant Man. Toujours pas une ride. A la conférence
de presse, le directeur photo d’Elephant Man est présent.
Il a déjà 80 ans. C’est lui qui éclaire The Straight Story.
Lynch répond aux questions, marqué d’un sourire vraiment captivant.
L’accueil est très bon. A sa sortie, je prends quelques clichés.
De près, cet homme paraît d’un autre monde... Ensuite, j’arrive
à me débrouiller pour avoir une place pour son film à 13h45.
Avec The Straight Story, Lynch quitte son univers onirique,
trouble, et cruel, pour nous raconter, le plus simplement
possible, l’histoire d’un homme de 73 ans qui part retrouver
en tondeuse à gazon son frère victime d’un malaise cardiaque,
avec qui il est brouillé depuis 10 ans, et qui habite à plus
de 500km, dans un autre état. Ce qui ne change pas : le son
est toujours la pièce maîtresse de l’oeuvre du cinéaste américain.
Ce qui peut-être nouveau : Lynch dit avoir penser à John Ford.
L’acteur est merveilleux. Il pourrait recevoir le Prix d’interprétation
masculine. Grosse journée : à 17h, à la Quinzaine, L’Enthousiasme,
de Ricardo Larrain. Un film qui nous dit que l’utopie n’est
pas une idée qui dure, mais juste un moment d’égarement que
l’on ressent le plus souvent dans la jeunesse. C’est vraiment
trop bête...
Samedi 22 mai
Ras le bol ! J’ai avancé mon départ d’une journée. Je veux
revoir Paris, me balader le long de la seine. Je veux aller
voir un Welles, ou un Godard des années 60 : bref, en un mot,
vivre ma vie. Je quitte le sud sans trop de regret. J’y reviendrais
quand le silence régnera de nouveau. Adieu Festival. Adieu
strass, bonjour Stress des pavés parisiens ! Cannes n’est
finalement qu’une petite ville de bourgeois, qui s’offre pendant
dix jours les services d’un festival à la mesure de sa bourgeoisie
infecte. Je rate Limbo et Rosetta... tant pis...
Dimanche 23 mai
Bien chez moi, j’évapore toutes les impuretés
que j’ai pu contracter à Cannes. Il est 19h30 : j’attend le
palmarès sans trop d’excitation. La Palme d’Or revient cette
année à Rosetta de Luc et Jean-Pierre Dardenne, ainsi que
le Prix d’interprétation féminine. Le Grand Prix du jury va
à L’humanité, ainsi que le Prix d’interprétation féminine
et masculine, deux formidables neus-neus exposés devant la
foule comme des phénomènes de cirque. De quoi rougir. Puis,
pour faire bien, on donne le Prix du jury à La Lettre de Manoel
de Oliveira, 90 ans passés. Un prix qu’il aurait dû recevoir
à ses débuts. Voilà la bonne conscience de Cannes. Cette bonne
conscience qui se veut proche d’un réalisme social constamment
écoeurant. Toujours cette bonne conscience qui prime des gens
impliqués réellement dans ce réalisme social, des chômeurs,
des acteurs non-professionnels exempts, à première vue, de
tout reproche. Il n’y a ni professionnels, ni amateurs. Il
n’y a que le cinéma. Mais pas celui qu’on sacre dans les Alpes
Maritimes. Une fois de plus, la déception est aussi grande
que la frustration : Moloch aurait dû avoir le Prix de la
mise en scène et non le Prix du scénario. A mon goût, Sokourov
sait sculpter une image, et Almodovar reste assez conventionnel
dans la mise en scène, plus douée pour le scénario. Lynch
méritait d’emporter la Palme. Je ne juge pas le film des frères
Dardenne que je n’ai pas pu voir. Et Cronenberg dans tout
ça... je crois qu’il s’en fout un peu... et qu’il s’est ennuyé
pendant 10 jours... moi aussi.
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