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En revanche, le commun est
mis en valeur dans le documentaire de César Paes et Marie-Clémence
Blanc-Paes, Saudade do futuro, prix du public cette
année. Humanisme, générosité et bonne humeur n’empêchent pas
la lucidité : Sao Paulo est raconté en vers et en verve, avec
l'ardeur des chanteurs de rues et d’ailleurs. L'humour vient
dérider l'apparente aridité du quotidien, apparente seulement,
car dans le coeur des Brésiliens coulent des rivières d'or,
l'or d'une poésie journalière, commune, où le merveilleux
se love dans le sourire des auditeurs à qui s'offre régulièrement
le spectacle des troubadours, dans la rue, au coin d'une surprise
égayante. A bien y regarder, Saudade do futuro a gagné
les suffrages du public car c'est un film public, dans le
sens où il met en avant le peuple sous son meilleur jour,
dans la lumière musicale d'un optimisme non dénué de sens
: tout le monde passe devant la caméra alerte du couple Paes
: des "cantadores" à Madame le maire, chacun
détient un pouvoir, et c'est au nom de la population qu'il
est célébrer ici.
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Enfin, la rétrospective
Heddy Honigmann était plus qu'une rétrospective, ce fut une
célébration. Parmi la dizaine de films proposés durant le
festival, son talent a eu le temps de convaincre les spectateurs
qui se seront laissés porter par sa franche intelligence,
par exemple dans le documentaire Crazy : les plans
frontaux des casques bleus néerlandais, proches des larmes
sans jamais verser dans le larmoyant, en équilibre sur la
frontière du voyeurisme, poussant ces hommes de guerre jusque
dans les dernières tranchées de leur mémoire émotive, là où
certains choix musicaux leur sont demandés afin de voir, mieux,
d'écouter leur perception personnelle. Comme dans tout documentaire
bien mené, la confiance instaurée par la réalisatrice est
remarquable, surtout quand on comprend jusqu'où elle emmène
ses interlocuteurs qui témoignent. Chimères, film de
fiction où la dérive mentale d'un homme met en péril l'équilibre
d'un couple de quinquagénaires, montre également la virtuosité
mature de cette femme à raconter quelque chose. Elle maîtrise
sa forme narrative tout comme elle respecte l'histoire avec
le ton qu'elle a choisi : l'humilité. Seulement chez elle,
l'humilité est éloquente, elle accède à un état d'évidence
qui détermine l'efficacité de ses images. Même quand elle
aborde la déréliction d'une femme au bord de la solitude qui
hésite entre un amour peu sûr et un godemiché très performant,
son humilité est présente, sous l'aspect le plus sympathique
: l'humour. Dans ce moyen métrage, La juste mesure,
le ton passe du coquin au cocasse, du comique au tragique,
mais dans un clair-obscur où rayonne le même respect de la
fragilité humaine. Le court métrage intitulé Votre opinion
s'il vous plaît est résolument placé sous le signe joyeux
de l'humour, mais c'est pour mieux faire ressortir les drames
de l'existence qui nous émeuvent du rire aux larmes, mais
qui jamais ne laissent indifférents dans l'angle de sa caméra.
Et c'est peut-être là son atout majeur, trouver le juste milieu
entre les rires et les pleurs, la dignité d'un sourire qui
comprend et qui soutient la vie dans ce qu'elle a de plus
créatif à chaque fois, ce que réussit à faire ce festival
dont on attend avec patience la prochaine session.
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