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Le talent de François Ozon se révèle enfin après tous les signes avant-coureurs qui avaient balisé son arrivée : dans son nouveau long métrage, intitulé malicieusement Sous le sable, le réalisateur surprend. On savait que sous les pavés se cachait la plage, mais sous la plage, qu'y avait-il ? Pas seulement du sable. Il y a aussi, et surtout, les absences qui se prolongent malgré l'effacement des traces sur le bord maritime (On pense au thème de l'absence développé dans Les lumières fossiles, nouvelles fantastiques de Eric Faye, mais c'est une autre histoire). Le protagoniste du film est donc un absent : Jean, désincarné par un rare Bruno Cremer. En suivant la logique de ce paradoxe, il est évident de souligner la présence deux fois plus forte de l'héroïne qui fait vivre - survivre ? - cet absent, la magistrale Charlotte Rampling, qui joue le rôle de l'épouse faussement seule, Marie. Jean, Marie, deux prénoms simples pour une histoire simple mais traitée avec une force sous-jacente, comme ses courants froids qui vous surprennent pendant votre nage dans l'océan, des courants contraires et insidieux, aussi surprenants que dangereux. D'ailleurs, la surprise donne toute sa valeur au danger : François Ozon a osé creuser autour du château qu'il commençait à construire, et il a trouvé un trésor au fond des douves, protectrices avant toute chose : l'or de sa propre alchimie artistique, la métamorphose d'une remise en question où planent non pas une réponse, mais de nouvelles questions, toujours des questions, puisqu'elles pavent le chemin de notre étonnement, continuellement.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Des questions, Marie Steuber ne s'en pose plus vraiment, ou ne veut plus, ne désire plus s'en poser. Elle préfère désirer, dans le souvenir des scènes qui hantent harmonieusement son écran imaginaire, celui de Patrice Chéreau en l'occurrence, qui nous propose une réalisation digne et facétieuse, tragi-comique, entre le cinéma et le théâtre, sur une frontière, en un mot. Entre Le temps et la chambre. Et cette frontière s'incarne naturellement en Anouk Grinberg, personnage elle-même, femme de tête, de gueule, de coeur, femme-enfant aussi, femme tout court. Femme-personnage. Patrice Chéreau la conduit dans un ballet de corps, de rencontres, et la danse est ponctuée par tous autres rôles, seconds mais primordiaux car ils la font vivre, ils lui offrent ce qu'il y a de plus intime, le souvenir. Et cette intimité est toujours respectée, l'extravagance n'empêche pas la pudeur, au contraire, elles sont soeurs, l'une protégeant l'autre. Et puis il y a Pascal Greggory - acteur fétiche de ce festival -, composant un personnage incroyable, phénoménal, si différent des rôles où on l'a connu, et donc si surprenant. Un rôle muet au départ, puis progressivement parlant, jusqu'au déchaînement final, mais il ne faut pas en dire plus, d'ailleurs c'est déjà trop.

Otesaneck, de Jan Svankmajer, dit juste ce qu'il faut. Ce long métrage tchèque, alliant le conte, le film d'animation, et la cruauté la plus pure, relève du miracle. Car on en revient toujours au miracle, visuel, de l'image fascinante. L'astucieux mélange des genres ici ne relève pas de la confusion, mais de la magie, tout simplement. Une magie émanant de la poésie quotidienne, enfouie dans les mythes qui nous construisent et nous encerclent, prêts s'il le faut à nous dévorer. Il en est ainsi de ce film : il nous dévore jusqu'à la moelle, jusqu'à la chair de nos rêves les  plus cauchemardesques, surtout quand le morceau de bois, pris pour un enfant, devient vivant en s'humanisant terriblement. Car il s'agit là d'un couple hélas stérile qui veut créer leur progéniture en échappant aux lois naturelles, et la nature a autant horreur du vide que de l'orgueil, puisqu'elle se venge. Et cette vengeance est magnifiée par un art du récit qui entre en adéquation parfaite avec l'originalité des images et de leur mise en scène. Un film hors du commun.