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Monter Sampler (c) D.R. MONTER SAMPLER

Novembre à décembre 2000
Centre Pompidou, Paris
Par Gilles LYON-CAEN


COMPTE RENDUS DU FESTIVAL

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GLOBAL GROOVE
De Nam June Paik, 1973, 28’

Global Groove (c) D.R.

Global Groove ou une proposition d’explication au titre du cycle. Plusieurs auteurs de films " expérimentaux " ont recours aux images d’archives, au matériau récupéré et recyclé. A ce cinéma du remontage, les Anglo-saxons ont donné l’appellation de found footage, qui signifie donc le remploi d’archives ou de films comme matières premières à un retravail sur l’image.

Retravail sur l’image et le rythme. Hypothèse : le fragment, la reprise devient aussi articulation, fragmentation musicale, rythme sonore lié à l’intra-image (ici, le mouvement, le corps). Jonction faite dans Global Groove, entre l’échantillonnage expérimental, le travail rythmique à partir d’un fragment et la variation du rythme musical à partir d’une note. Sampler l’image, sampler la musique, fusion à l’image d’un chromatique et d’un scratch d’un DJ. Corrélation de deux types de fragments : sampler la musique de l’image, son rythme mécanique et sampler, décomposer l’image musicale (ici pour des scènes de danse). Décomposer la musique, par exemple dans la déclinaison de pas fugaces de danseurs, soit décomposer le mouvement corporel. Le corps produit aussi une musique, qui se fait entendre ou voir et entendre. La conjugaison de très légers coups, le rythme mathématique de bras frénétiques sur des tambours devient un interlude, visuelle et sonore, synchronisée.

La source musicale peut aussi bien provenir du travail d’expérimentation des couleurs vives (le mécanisme des couleurs qui s’enclenche, à partir d’un clip préexistant, délivre une autre musique, une partition visuelle, champ des possibles de notes colorées) que de la musique même (reprendre, varier, combiner ou déformer les gammes musicales initiales). Entrelacs de motifs musicaux, Global Groove vaut enfin pour ses entrelacs de couleurs psychédéliques. Le corps devient une entité fluorescente surimprimé sur des flux de couleurs elles-mêmes fluorescentes. Les couleurs sont déposés en fond de l’image, comme on dirait en fond sonore, la surimpression des danseurs signifiant peut-être la primauté du corps sur la couleur. Surimpression des corps et jeu des charges de couleurs qui sera reprise dans les génériques de James Bond. Le contour fluorescent du corps ne fait pas pour autant abstraction du langage musical corporel. La danse d’une femme, reprise d’un clip des années 70, est également propice à la décomposition du corps par le mouvement (un pas de côté, à droite, à gauche) et la couleur. Un battement de pied équivaut à un court battement sonore. Synchronie et interaction entre mouvement, couleur et musique : la frappe sonore d’une baguette de jumbay aux contours fluorescents et l’emploi du flicker (effets de clignotements) énoncent ainsi la charge de la couleur et le rythme musical.


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SILVER RUSH
De Cécile Fontaine, 1998, 9’

Monter image (c) D.R.

Ruée vers l’or, ruée de rushs, envers de séquences de western préexistantes. Silver Rush, premier film de Cécile Fontaine, est une œuvre riche et intense constituée de courses-poursuites accélérées, zébrée gracieusement de recollages, grattages et rayages sauvages. Science du rush (séquence) dans l’or (gold) des couleurs vives tactiles, telles le rouge ou l’orange, qui deviennent source et outil mêmes de remontage, formant un précis de déconstruction cinématographique. Primauté du collage et de l’émulsion des colorations : la cinéaste ne respecte pas le déroulement d’une simple prise de vue. Elle gratte, poinçonne et cambre l’image, à l’instar du cheval qui galope et qui au plan suivant, se cambre quelques instants. Traversé ainsi de recollages et de faux raccords de balles perdues de cow-boy, Silver Rush menace de rompre. Tension et risque constants : sa cavale incontrôlée transforme les séquences initiales, pouvant entraîner sa disparition définitive. La chevauchée au long cours est broyée en une cavalcade de neuf minutes, qui met donc en péril des images mythiques originelles.