COMPTE RENDUS DU FESTIVAL
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GLOBAL GROOVE
De Nam June Paik, 1973, 28’
Global Groove ou
une proposition d’explication au titre du cycle. Plusieurs
auteurs de films " expérimentaux "
ont recours aux images d’archives, au matériau récupéré
et recyclé. A ce cinéma du remontage, les Anglo-saxons
ont donné l’appellation de found footage, qui
signifie donc le remploi d’archives ou de films comme matières
premières à un retravail sur l’image.
Retravail sur l’image et le rythme. Hypothèse :
le fragment, la reprise devient aussi articulation, fragmentation
musicale, rythme sonore lié à l’intra-image
(ici, le mouvement, le corps). Jonction faite dans Global
Groove, entre l’échantillonnage expérimental,
le travail rythmique à partir d’un fragment et la variation
du rythme musical à partir d’une note. Sampler l’image,
sampler la musique, fusion à l’image d’un chromatique
et d’un scratch d’un DJ. Corrélation de deux types
de fragments : sampler la musique de l’image, son rythme
mécanique et sampler, décomposer l’image musicale
(ici pour des scènes de danse). Décomposer la
musique, par exemple dans la déclinaison de pas fugaces
de danseurs, soit décomposer le mouvement corporel.
Le corps produit aussi une musique, qui se fait entendre ou
voir et entendre. La conjugaison de très légers
coups, le rythme mathématique de bras frénétiques
sur des tambours devient un interlude, visuelle et sonore,
synchronisée.
La source musicale peut aussi bien provenir
du travail d’expérimentation des couleurs vives (le
mécanisme des couleurs qui s’enclenche, à
partir d’un clip préexistant, délivre une
autre musique, une partition visuelle, champ des possibles
de notes colorées) que de la musique même (reprendre,
varier, combiner ou déformer les gammes musicales
initiales). Entrelacs de motifs musicaux, Global Groove
vaut enfin pour ses entrelacs de couleurs psychédéliques.
Le corps devient une entité fluorescente surimprimé
sur des flux de couleurs elles-mêmes fluorescentes.
Les couleurs sont déposés en fond de l’image,
comme on dirait en fond sonore, la surimpression des danseurs
signifiant peut-être la primauté du corps sur
la couleur. Surimpression des corps et jeu des charges de
couleurs qui sera reprise dans les génériques
de James Bond. Le contour fluorescent du corps ne fait pas
pour autant abstraction du langage musical corporel. La
danse d’une femme, reprise d’un clip des années 70,
est également propice à la décomposition
du corps par le mouvement (un pas de côté,
à droite, à gauche) et la couleur. Un battement
de pied équivaut à un court battement sonore.
Synchronie et interaction entre mouvement, couleur et musique :
la frappe sonore d’une baguette de jumbay aux contours fluorescents
et l’emploi du flicker (effets de clignotements)
énoncent ainsi la charge de la couleur et le rythme
musical.
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SILVER RUSH
De Cécile Fontaine, 1998, 9’
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Ruée vers l’or, ruée de
rushs, envers de séquences de western préexistantes.
Silver Rush, premier film de Cécile Fontaine,
est une œuvre riche et intense constituée de courses-poursuites
accélérées, zébrée gracieusement
de recollages, grattages et rayages sauvages. Science du
rush (séquence) dans l’or (gold) des
couleurs vives tactiles, telles le rouge ou l’orange, qui
deviennent source et outil mêmes de remontage, formant
un précis de déconstruction cinématographique.
Primauté du collage et de l’émulsion
des colorations : la cinéaste ne respecte pas le
déroulement d’une simple prise de vue. Elle gratte,
poinçonne et cambre l’image, à l’instar du
cheval qui galope et qui au plan suivant, se cambre quelques
instants. Traversé ainsi de recollages et de faux
raccords de balles perdues de cow-boy, Silver Rush menace
de rompre. Tension et risque constants : sa cavale
incontrôlée transforme les séquences
initiales, pouvant entraîner sa disparition définitive.
La chevauchée au long cours est broyée en
une cavalcade de neuf minutes, qui met donc en péril
des images mythiques originelles.