Les rencontres
internationales Henri Langlois, fondées en 1977 à Tours et
qui ont déménagé en 1990 à Poitiers, occupent le créneau particulier
du film d'études réalisé dans le cadre d'écoles. C'est là
l'occasion pendant une semaine d'avoir un aperçu de l'état
de la jeunesse mondiale ; de repérer les tendances, idées,
thèmes qui, selon les écoles et les pays, préparent le cinéma
de demain, d'identifier des styles, en sachant ce qui appartient
à l'école ou à l'auteur. Et puis on peut bien sur s'amuser
à pronostiquer les futurs grands, à déceler les traits, les
caractéristiques d'oeuvre en gestation. Signalons d'emblée
que ces rencontres ont été marquées cette année par la représentation
importante de pays anglo-saxons et nordiques : l'Australie,
l'Allemagne, le Danemark, la Finlande. On notera la présence
plus faible, voire inexistante, des pays méditerranéens ou
du Sud. Est-ce la raison pour laquelle la programmation avait
dans son ensemble une tonalité sombre et froide, manifestant
un goût prononcé pour les ambiances fantastiques et oniriques,
la présence insistante de thèmes morbides et métaphysiques
: le sens de la vie, la hantise de la mort, de la maladie,
du suicide etc. ? En effet, dans un cadre des plus charmants
et agréables, sous l'autorité efficace et bienveillante du
délégué général François Defaye, force est de reconnaître
que l'on ne rigolait pas beaucoup durant les projections.
A ce titre, ce qui frappait dans la programmation cinéma proposant
43 films de 20 pays différents, c'est la forte homogénéité
thématique de l'ensemble, la correspondance des sujets et
des histoires, mais cela témoignait aussi du travail des sélectionneurs.
Par ailleurs, on peut faire remarquer que les films proposés,
dans leur ensemble, manifestaient une bonne tenue technique
et formelle, mais rien non plus de follement éblouissant ou
bouleversant. On n'a pas vu une forte personnalité se dégager
de l'ensemble (mis à part peut-être le primé Kenneth Kainz
même si on est libre de ne pas adhérer du tout à son univers).
Les apprentis cinéastes s'appliquent, font de la belle ouvrage
et semblent respecter les formats exigés par certains marchés
comme la télévision. Bref, on peut leur reprocher d'être trop
bons élèves et de manquer d'un brin de folie ou de personnalité.
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Cette année, le palmarès a une nouvelle
fois distingué le Danemark, et la Danske Filmskole, en attribuant
trois prix à un même réalisateur, Kenneth Kainz, mais pour
deux films différents. Pays décidément en grande forme cinématographique
après la consécration de Lars Von Trier au dernier festival
de Cannes. Ainsi En Sjaelden Fugl (A rare bird)
a reçu le grand prix du jury et le prix des réalisateurs tandis
que Genfaerd (Apparition) se voyait attribuer
le prix de la mise en scène. Belle performance donc pour un
cinéaste qui n'a su que trois heures avant la remise des prix
la présence de ses films à Poitiers ! Il est vrai que ses
courts métrages se distinguent par leur maîtrise formelle
et technique, leur originalité, leur inventivité, le sens
et l'efficacité du récit. C'est à se demander si Kainz a encore
quelque chose à apprendre. La touche danoise était ici reconnaissable
dans la composition et le grain même de l'image : très saturée,
aux tons sépias. Kainz imagine des histoires fantastiques,
lorgnant vers le bizarre, reposant sur un fond métaphysique,
à savoir le sens de la vie, selon un imaginaire assez adolescent
et romantique.
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