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Objectif Cinéma (c) D.R.

Dans Genfaerd, un homme de 40 ans, chassé par sa femme, quitte le foyer conjugal et rencontre dans le métro un homme étrange (la mort) et lui fait redécouvrir le prix de la vie. Dans ce film assez classique, plane l'ombre permanente de la mort et du suicide. En sjaelden Fugl s'avère encore plus bizarroïde. Un homme, l'oeil crevé par une oie lorsqu'il était bébé, passe son temps à exterminer les animaux et travaille comme ouvrier dans une usine de poulets où il discute métaphysique avec ses collègues. Il apprend un jour qu'il est atteint d'un cancer du corps. On retrouve la même angoisse métaphysique, avec une maladie énigmatique qui n'a d'autre sens qu'existentiel, dans un récit en boucle se terminant sur une fort belle et poétique image. Cela dit, les reproches qu'on a pu faire au jeune cinéma danois (et notamment à Lars Von Trier) peuvent être faits à propos des films de Kainz : un certain goût de la provocation, de l'épate, une certaine roublardise, voire gratuité. L'Australie était donc particulièrement présente avec cinq films. Ceux-ci témoignent tous d'une esthétique très soignée mais un peu sage, appliquée, scolaire pour tout dire. Plus proche du téléfilm. C'est le contraire des Danois. Signalons cependant le magnifique The Letter d'Anne Delaney qui aborde le thème très grave du cancer du sein par une voie oblique et indirecte puisqu'elle adapte une lettre de l'écrivain Fanny Burney datant de 1812 décrivant l'ablation de son sein lors d'une opération chirurgicale. Tout en voix-off, le film est visuellement superbe et évoque d'autant mieux la douleur qu'il demeure suggestif. Citons également The Other days of Ruby Rae de Vikki Clark-Blanche, récompensé par le prix du scénario. Là encore, le film s'inscrit dans la tendance métaphysique du festival puisqu'il raconte la relation entre un vieux pasteur et une petite fille en qui sa femme s'est réincarnée ; C'est un joli film, touchant, mais desservi par une réalisation terne et plate. Quant à l'Allemagne, qui se taillait la part du lion avec dix films en compétition, le moins que l'on puisse dire est qu'elle a déçu puisqu’elle n'a reçu aucun prix. Que prouvent les apprentis cinéastes allemands sinon que leurs écoles (notamment celle de Munich) sont richement pourvues en moyens, qu'ils sont apparemment complètement acquis à une esthétique du clip et de la pub, et que leurs regards semblent tournés vers l'Amérique. Le cas de Hood de Sylvia Dhamen est de ce point de vue exemplaire. Un travail sur la photo impressionnant pour un produit mode et un propos creux et inintéressant, oscillant entre Neil Jordan et David Lynch.

A l'opposé de cette esthétique tape-à-l'oeil s'offrait l'un des rares films documentaires de la programmation, le très beau et bouleversant Moglem Byc Czlowiekiem de la polonaise Barbara Medajska (école de Lodz) centré sur des glaneurs vivant près d'un chantier de charbon. Le spectateur français ne peut s'empêcher de penser évidemment au dernier et magnifique film d'Agnès Varda, Les glaneurs et la glaneuse. Le film séduit par la qualité de son regard documentaire et de sa mise en scène très cinéma (le 35 mm et le cadrage rigoureux magnifie ses sujets) et enfin il nous touche par son écoute car c'est un film sur la parole, une parole particulière : la parole des humbles qui, du fond de la misère la plus absolue d'où elle s'énonce, dit les choses les plus essentielles et les plus lucides sur la condition humaine. Sous les mots de ces glaneurs affleure cette sagesse propre à ceux qui sont démunis de tout, dont la situation est une métaphore de notre existence. Ce sont nos semblables, nos frères.