Beaucoup moins alambiqué
que
La Troisième génération, ce film sonde les souffrances
d'un exclu dans un monde de froideur émotionnelle avancée.
Emblématique pour ce sentiment de tristesse et d'exploitation
est la séquence pendant laquelle Elvira raconte son histoire.
Pour donner une idée de sa profession d'alors de boucher à
Zora, elle l'emmène dans un abattoir. Ainsi, toutes les mésaventures
qui ont détruit la vie du protagoniste sont entendues sur
fond de boeufs abattus, décapités et éventrés. Cette prédilection
pour le revers de notre société, illustrée par la tuerie quasi-mécanique
en masse des bêtes, a déjà été exprimée par le réalisateur
dans
Gibier de passage (1972), programmé ultérieurement
dans le festival, dans lequel se glisse une séquence apparemment
superflue de l'abattoir de poulets où travaille un des personnages.
Malgré le sort extrêmement triste d'Elvira, elle remporte
plus notre pitié que notre identification ou notre engagement
émotionnel. Comme ce sera le cas avec les rôles que joue Margit
Carstensen dans de nombreux films de Fassbinder (tel
Martha
(73),
Nora Helmer (73),
Liberté à Brême (72)),
Elvira excelle dans l'interprétation dun personnage faible
et hystérique, dépendant des autres et qui réagit plus qu'il
n'agit pour ses propres projets (comme Michel et Günther dans
Rio Das Mortes, par exemple).
Pour contrebalancer tant
soit peu le désespoir ambiant, Fassbinder qui assurait pratiquement
toutes les fonctions techniques sur ce film à petit budget,
a recours à deux dispositifs comiques : le premier est la
séquence de danse dans le bureau de Seitz, plaquée sur celle
d'un film avec Jerry Lewis et Dean Martin, le deuxième consiste
en l'emploi absurde de Günther Kaufmann en garde du corps
de Seitz qui fouille pour d'éventuelles armes toutes les personnes
( jusqu'à la soeur Gudrun) qui viennent se recueillir auprès
du corps d'Elvira.
DIMANCHE 18 MARS 2001 : film de genre
et drame homosexuel
Les Dieux de la peste (1969)
Après un retard de la séance dû au mauvais état de la copie
du Bouc , le festival reprend de plus belle avec un
film de genre, ouvertement inspiré par le film noir. Je tiens
au passage à signaler les conditions de projection très satisfaisantes
d'un festival qui dépend en général des copies de location
en circulation depuis longtemps et, par conséquent, en état
plutôt moyen, voire déplorable. Sans s'attarder longuement
sur quelques petits accidents de déroulement, comme la fin
de Liberté à Brême coupée lors de la première projection
ou la programmation du Cercle rouge de Melville sur
deux heures, alors qu'il dure vingt minutes de plus, l'impression
générale est tout à fait positive, avec des séances qui commençaient
toujours (ou presque) à l'heure et d'éventuels défauts uniquement
dus aux copies abîmées ; mais il vaut toujours mieux voir
des films rares dans ces conditions-là que ne pas les voir
du tout !
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Pour en revenir aux Dieux,
Fassbinder y affiche son admiration pour le film noir, versant
années 1940 et 50, avec un noir et blanc assez flou, embrumé
de la fumée d'une partie de poker ou éclairé aux lumières
diffuses d'une boîte de nuit mal famée qui s'appelle "
Lola Montès ", autre citation dans l'univers très cinéphile
du réalisateur. On y retrouve une structure de ménage à
trois, proche de celle de Rio Das Mortes sauf qu'ici
l'action est régie par des combines de petits criminels
et non pas par une destination de rêve pour échapper au
conformisme ambiant.