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Une histoire très simple,
très convenue même, qui atteint cependant toute son ampleur
à travers les éléments voyants qu'on pourrait lui reprocher.
A commencer avec la photographie splendide, avec des couleurs
très saturées, rappelant les films en Technicolor de Douglas
Sirk ou bien Les Parapluies de Cherbourg (1964) de
Jacques Demy. Cette beauté affichée de l'image trouve son
pendant dans l'intrigue qui, par la surcharge de ses clichés,
laisse supposer une vérité plus crue en dessous de la surface
brillante. Un peu comme David Lynch, qui racontait son Histoire
vraie (1999) avec des images superbes de champs de blé
et plein de respect pour l'acteur septuagénaire, feu Richard
Farnsworth, tout en faisant craqueler l'aspect lisse du projet
par des intrusions dérangeantes, étrangères à l'univers habituel
de son oeuvre. Comme l'a remarqué Fassbinder lui-même, le
point fort du film est qu'à force de se répéter son bonheur
objectif, tout devient interchangeable, l'épouse ou la maîtresse,
la première femme ou la deuxième, Fontenay ou Vincennes, tout
représente la même forme de bonheur, la même base consensuelle.
L'Année des treize lunes (1978)
Première des rencontres qui vont ponctuer à plusieurs reprises
le festival. Ce soir, c'est Juliane Lorenz, monteuse et dernière
compagne de Fassbinder et actuellement présidente de la Fondation
Fassbinder, qui présentera un des films les plus personnels
du réalisateur, L'Année des treize lunes. Avant la
projection, elle évoque les circonstances du tournage : la
mort de Armin Meier, dernier amant de Fassbinder, qui, d'après
elle, ne se serait pas suicidé (" tout ce qu’on sait,
c'est qu'il était mort "), et la crise personnelle qui
s'ensuivait et dont le réalisateur a réussi à sortir grâce
à un film très opposé à la fresque historique qu'était son
précédent, Le Mariage de Maria Braun. Filmer l'histoire
d'Elvira (Volker Spengler) aurait été pour lui une forme d'exorcisme
de la relation conflictuelle qu'il avait entretenue avec Meier,
un des malheureux enfants du programme " Lebensborn "
de Hitler qui visait à élever une race complètement arienne
en formant des couples constitués d'un homme et d'une femme
présentant des caractéristiques considérées comme purement
aryennes.
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Le film s'ouvre sur la musique
de Mahler, également employée dans Mort à Venise
(1970) de Luchino Visconti, et une allée au bord du Main
à Francfort, au petit matin. Elvira drague un jeune prostitué
qui s'insurge lorsqu'il découvre qu'elle est transsexuelle
; il appelle alors ses copains qui la battent violemment.
Rentrée chez elle, elle doit faire face au départ de son
ami Christoph (Karl Scheydt) et, le lendemain, aux reproches
de son épouse Irene (Elisabeth Trissenaar) à cause d’un
entretien dans lequel Elvira a donné des informations compromettantes
sur le promoteur Anton Seitz (Gottfried John). Entre-temps,
elle a raconté toute son histoire (abandonné par ses parents,
il a été élevé chez les bonnes soeurs ; par amour pour Seitz
il était parti à Casablanca pour l'opération) à son amie,
la prostitué Zora la rouge (Ingrid Caven). Elle va retrouver
Seitz qui lui pardonne, mais qui se montre davantage porté
sur la jolie putain que sur son ancien amour vieilli. Dans
l'impression d'une exclusion totale, Elvira porte atteinte
à sa vie.