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Cette même esthétique est utilisée par Emmanuelle Bercot (La Puce) pour son premier long-métrage, tiré de la collection Petites Caméras d'Arte : Clément. Sur un sujet sulfureux (une trentenaire tombe amoureuse d'un garçon de treize ans et décide d'assumer sa passion), Bercot réussit un objet glaçant, d'un pointillisme psychologique si vériste et subtil qu'on aurait aimé voir le même film sans avoir cette nausée permanente due à l'image numérique sans cesse mue. Le récit démarre presque anodinement, bifurque vers la passion et retombe au final presque banalement et si cruellement lorsque l'adulte se rend compte de l'artificialité de l'amour qu'elle reçoit. Jouant le rôle principal, Bercot donne une épaisseur hystérique à cette amoureuse transie rongée par l'impossibilité de ses sentiments. Si la comédienne en fait parfois trop, la cinéaste parvient à passer outre le rudimentaire de son image pour toucher à de belles idées de mise en scène, autour des corps et de la mer, des intérieurs et des espaces. Un beau film qui aurait mérité un traitement plus ambitieux, bien que l'esthétique documentaire lui confère une portée autre.

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Insignifiant se révèle en revanche le premier film des comédiens Jennifer Jason Leigh et Alan Cumming, The Anniversary Party. Chronique d'une soirée entre amis bourgeois brillants dans leurs domaines artistiques respectifs, du droit à l'écriture en passant par le cinéma, le scripte se transforme en une pièce de théâtre sans narration, kermesse des langues amères si peu surprenante. Après les gaffes vexantes, les jeux très drôles et l'ecstasy, on touche au ridicule lorsque les personnages miment le délire psychotrope. L'aube nous sauve et clôt un espace de liberté pour des acteurs en roue libre, qui s'amusent sans leur public. A sauver : Gwyneth Paltrow en pétasse blondasse finalement pas si conne...

Todd Solondz (Bienvenue dans l'âge ingrat, Happiness) proposait un film qui garde la veine corrosive et cruelle de ses précédentes productions. Storytelling est une farce cynique qui prend pour cible les tabous et plus encore la peur hypocrite de les aborder. Handicapés, racisme, perversions sexuelles, médiatisation carnassière nourrissent la verve du cinéaste dans une fiction scindée en deux parties autonomes qui entretiennent de lointains échos. Pour chacune d'elles, il s'agit de fustiger l'éducation, d'abord en fac puis au lycée. Ce regard biaisé sur des perdants qui s'ignorent prend une tournure plus torve lorsque Solondz met en abyme la forme documentaire. Un médiocre cinéaste suit la vie inactive et sans ambition d'un adolescent loqueteux pour mieux décrépir la société dans laquelle il évolue, et c'est une pure tranche de vie empoisonnée. Succulente, donc.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Hal Hartley se rend au même pays de la subversion mais emprunte des routes moins agressives. No Such Thing revisite le mythe de la belle et la bête pour le manipuler à l'extrême. Une héroïne adorable entreprend un voyage en Islande pour retrouver son petit ami, parti étudier un célèbre monstre. Elle rencontre un être désabusé qui ne demande qu'à quitter le monde des vivants et que l'invincibilité irrite au point de devoir tuer de colère tous ceux qui ne parviennent pas à l'exécuter. Seul son créateur peut le délivrer. Et la jeune fille de ramener la curiosité acariâtre aux Etats-Unis pour retrouver le professeur responsable... La transposition du mythe n'est pour Hartley qu'un prétexte à écorcher la société de communication et de médiatisation actuelle. Opposant Nature et Culture, Homme et Monstre, Etats-Unis et Islande, le film est sans cesse basé sur une dualité cynique. L'humour décalé et le ton distancié du récit permettent une acceptation très immédiate de l'argument merveilleux. La spirale scénaristique ménage une large plage à l'émotion dans un film réellement réussi, jusqu'à sa photographie empreinte d'une sourde poésie.