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La clôture de la sélection officielle était assurée par Raoul Ruiz et ses Âmes fortes, adaptées de Giono et incarnées par un festival de désincarnation: Arielle Dombasle, Frédéric Diefenthal, Laetitia Casta. Le magicien franco-chilien qui avait réussi à faire jouer Smaïn fait des miracles et son film ne pâtit pas de son casting, mais de l'intrigue obscure qui manifestement ne l'intéressait pas plus que ça. Le travail de peintre est superbe : Eric Gautier met son talent photographique au service des images composées de Ruiz. Mouvements de caméras et jeux de miroir foisonnent. Mais on regrette violemment de ne pas pouvoir intégrer l'histoire qui pèche par manque d'épaisseur, et n'a pas la chair subtile de sa récente Comédie de l'innocence.


UN CERTAIN REGARD 2001

  Objectif Cinéma (c) D.R.

La sélection parallèle Un Certain regard est plus hétéroclite et moins prestigieuse, pour ce qui est des noms qu'elle présente. S'y côtoyaient tout de même Hal Hartley, Jacques Doillon, Todd Solondz, Kiyoshi Kurosawa., Abel Ferrara ou Darejan Omirbaev.

Commençons par la surprise du palmarès, adjugeant le prix de la sélection à Un Amour d'enfance, signé Yves Caumon, qui bénéficie certes de certaines qualités, mais semble avoir puisé ses votes dans son caractère adéquat à la visée de la sélection, plus qu'à une domination de la compétition. Matthieu Amalric y campe avec talent un étudiant brillant dont les origines paysannes le forcent à un retour vers la terre lorsque son père se meurt. Le récit avance par détails et indices ses pions scénaristiques. Pêle-mêle, on décèle bientôt un vieux conflit entre le père et le fils, un arrière-plan psychologique avec identification du second au premier... Caumon porte un regard cruel mais tendre sur ces bons beaufs de la campagne et leurs travers folkloriques (la chasse du dimanche, la frime bidon dans des boîtes pourries), sans oublier de proposer un regard politique sur la condition des paysans, l'urbanisation et la ruralité. Les personnages sont tout de même assez caricaturaux et, s'ils réservent de bonnes premières minutes et une fin étrangement douce-amère, le tout ménage de belles longueurs et sautes de rythme coupables. Défauts bien souvent inhérents aux premiers films. Celui-ci en est tout de même un bon.

Joao Canijo et son Gagner la vie réservent le même ennui, vitaminé par un réel désir de cinéma. Déviant des schémas classiques, ce film de banlieue prend place dans une cité française, mais est relayé par le regard interne d'une communauté portugaise. Canijo allonge ses plans pour faire « auteur », mais pose un regard biaisé sur ses personnages, en évitant les clichés jeunistes, épousant le point de vue adulte d'une mère qui perd son enfant. Les langues parlées dans le film permettent de mettre en place un vrai processus artistique de ghettoïsation. La loi du silence qui y est à l'oeuvre permet à l'auteur de mettre en place un réseau de sens et d'images autour de la surdité et du mutisme. Ne pas se fier aux apparences résume le climax du film, à cent lieues de la mode urbaine. Le fait divers relaté désamorce une bavure policière pour bifurquer vers un fait divers des plus inattendus et polémiques : la vengeance amoureuse. La caméra portée donne une caution de vérité (maintenant banale) au film, mimant l'esthétique du reportage.