SORTIR
DE L’ISOLEMENT
On retiendra notamment trois images de la rétrospective sur
les cinémas d'Asie centrale qui s'est tenue en mars dernier
à Beaubourg. La première est issue du Ciel de notre enfance
(1965) de Tolomouch Okeev, jeune réalisateur-prodige alors
âgé de 25 ans. C'est une poursuite un peu folle, une course
dans la nuit des steppes kirghizes entre un vieux père essoufflé
et son fils effrayé, rythmée par les pleurs de la mère, battue
par le vieux et soutenue par l'enfant. |
La deuxième est un petit bijou qui vient conclure Moï Dom
(1971), court-métrage en noir et blanc du Tadjik L. Saladze.
Quelques bergers essaient de faire passer leurs chevaux sur
un pont en rondins suspendu au-dessus d'un ravin. Gros plans
sur les tumultes de la rivière au soleil, sur les visages
creusés des bergers qui s’inquiètent, sur les yeux des chevaux
qui se vident, sur leurs membres postérieurs qui se raidissent.
Scène de la vie commune découpée en fragments, qui suggèrent
la fatigue des uns, la panique des autres, la pénibilité de
l’action.
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La troisième image est celle d’un train
au départ, poursuivi sur le quai par une paysanne de la région
désertique du Djekazgan (Jana Arka, 1991) Dans l'Union
soviétique des années 30, les trains de Medvedkine et Vertov
sillonnaient les campagnes pour apporter aux populations isolées
le savoir, les images inconnues des autres régions de l'Union.
Dans le Kazakhstan que montre Ersain Abdrakhmanov au début
des années 90, les trains parcourent toujours la steppe mais
ce ne sont plus des images qu'ils véhiculent, ce n'est que
du pain et les mains des femmes se tendent pour en recueillir
les miettes.
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