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Etonnant appauvrissement de l'art cinématographique
en quelques décennies dans la région. Après l'effondrement
de l'empire soviétique, la plupart des anciens studios cinématographiques
d'Etat ferment dans les républiques d'Asie centrale. Les documentaires
qui voient le jour, souvent commandés par les télévisions
des nouveaux Etats indépendants, exaltent la gloire de la
patrie naissante et de son président. Les oeuvres présentées
à Beaubourg ne font pas exception, qui, revisitant le passé
centre-asiatique à coups de vieillards barbus, de yourtes
et de chevauchées sauvages dans les prairies, visent surtout
à faire solde de tout compte avec l'époque soviétique, et
notamment avec deux de ses épisodes les plus funestes : la
période stalinienne et l'assèchement de la mer d'Aral.
Etrangement, c'est peut-être à la lumière de ce dernier événement
qu'il faut penser la déliquescence des cinémas d'Asie centrale.
Pas d'assèchement de la mer sans monoculture intensive du
coton, décidée au milieu des années 70 au Kazakhstan et en
Ouzbékistan, favorisant l'émergence de mafias locales qui
ont blanchi leur argent dans la production cinématographique
de grand spectacle. Il n'y a plus d'argent public pour le
cinéma en Asie centrale, et l'argent privé n'y sent pas très
bon.
Les meilleurs cinéastes l'ont compris très
tôt. Okeev, aujourd’hui âgé de 60 ans, a arrêté de tourner
et a préféré se reconvertir dans la diplomatie. Quant au Kazakh
Sergueï Dvortsevoï - dont, hélas, seul le remarquable Paradis
(1996) fut montré cette année à Beaubourg -, il a depuis longtemps
pris la route de l'Europe pour trouver des financements à
la hauteur de ses ambitions et de son talent. En 1999, cela
a donné le remarquable Highway, coproduit par la ZDF
et Arte.
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A vrai dire, on est tenté de comprendre
cet exil volontaire. Reprenons nos trois images, qui ont au
moins un point commun : ce sont trois histoires de passage.
La brutalité du père qui s'acharne contre la mère, le ravin
à pic, la distance qui sépare les villages sont autant d'obstacles
à franchir pour combler une nécessité vitale : pour que l'enfant
se révolte et devienne adulte, pour que le troupeau accède
au pâturage, pour que la nourriture atteigne les villages.
On se dit alors, dans ces républiques montagneuses enclavées
en plein milieu de l'Asie, que le désir de filmer a longtemps
été suscité par une question probablement obsédante : comment
sortir de l'isolement ?
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