LES
50 ANS DES
CAHIERS DU CINEMA Compte-rendu
50 ans / 50 films
Par
Gilles LYON-CAEN
LE
CORPS, LA VILLE
Pour fêter leurs 50 ans d'existence, Les Cahiers du cinéma
ont su faire preuve d'éclectisme. Avec quatre films en moyenne
projetés par jour, le programme a joint la diversité (Rossellini
succédant à Wong Kar-waï, par exemple) à la subtilité (se
succédaient le dernier jour des films de Luc Moullet, Jacques
Rozier et Alfred Hitchcock). Il fallait donc n'y chercher
aucune unité mais au contraire, y trouver une pluralité d'oeuvres
de qualité - souvent - indéniables. L'écran de l'Arlequin
s'est ainsi transformé pendant deux semaines en un projecteur
continu ; le spectateur assidu se faisait heureux réceptacle,
buvard à la sensibilité déclinante mais toujours attentif
(même en somnolant) à la moindre émotion. De ces cinquante
films émerge clairement une ligne thématique de force, le
statut du corps dans la ville. Errance, circulation ou vente
du corps qui ont traversé plusieurs films programmés, d'Hiroshima,
mon amour d'Alain Resnais au récent Happy together
de Wong Kar-waï.
Hiroshima
mon amour d'Alain Resnais Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc Godard
Dans Hiroshima, mon amour, d'Alain
Resnais et dans Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc
Godard, les corps déambulent dans la ville, le temps semble
ralenti. Trop-plein des consciences dans la ville nippone
(Hiroshima mon amour), qui se traduit par la parole,
sa recherche ou son abus ; trop-plein des histoires (oisiveté,
prostitution) chez Godard, qui se traduit par l'errance. L'admirable
se lit dans une errance générale (errance de la parole ou
errance du corps) au sein d'un non-lieu, la ville endormie
chez Resnais, la métropole ou grand(e) Capital(e) chez Godard
La ville est illuminée et désertée, ou remplie de voitures
aux conducteurs invisibles, soit deux élans futuristes géniaux
du vide urbain au cinéma. Les personnages se parent du vide
de la nuit pour agir et divaguer. Les non-lieux divergent
en apparence mais convergent finalement en ligne de fuite,
dans la quête d’un corps, perdu (Hiroshima)
ou en perte (Sauve qui peut).