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Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc Godard
La Rue de la honte de Kenji Mizoguchi

« Qu'est-ce que je peux faire ? Je sais pas quoi faire ! » disait Anna Karina dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Par ennui, quête intérieure ou besoin financier, Isabelle (I. Huppert dans Sauve qui peut (la vie)) vend son corps. Elle sillonne entre les voitures, déambule dans la ville, écrasée par les néons agressifs d'un commerce inhumain. Une femme est harcelée par deux hommes : « tu choisis qui ? » demande l'un deux à la femme avant de la gifler, après qu'elle ait crié « non ! » L'une vend son corps, l'autre refuse de le donner. Mais toujours les corps circulent et deviennent moyens d'échange ; le corps se vendant partout, dans la file dun cinéma ou dans le bureau d'un directeur dentreprise. Tout se monnaye. D'une immense rue commerciale (Sauve qui peut (la vie)) à La Rue de la honte, on s'engouffre dans un passage, les corps-objets des prostituées se substituant aux magasins.

Grandeur et décadence d'un petit commerce des corps. Grandeur dans la vente de son corps comme dernier recours utopique ; décadence dans ce même commerce effréné et inhumain. Mizoguchi, dont le discours est amoral, défend souvent la cause des prostituées. Et si pour lui finalement comme pour Godard, le commerce des corps demeurait l'ultime moyen de lutte contre le libéralisme ? Les hommes ont créé les geishas et s'enchaînent à elles dans une relation de dépendance réciproque. En racontant, en 1956, les frémissements d'un quartier du plaisir de Tokyo, suite à une loi discutée au parlement sur l'interdiction de la prostitution, La Rue de la honte a énormément compté humainement (les prostituées ont aussi une vie de famille) et politiquement. « J'ai vendu mon corps mais ma vie n'est pas à vendre » dit l'une des prostituées, une parole digne que le parlement médita justement, avant d'établir une nouvelle législation sur la prostitution l'année suivante.


Happy together, de Wong Kar-waï

Un film-somme dans sa conception post-moderne du corps exilé au sein d'un non-lieu. Voir re-voir.

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Dans Happy together, deux hommes venant de Hong-Kong, Lai Yiu-Fai (Tony Leung) et Ho-Po Wing (Leslie Cheung), des amants allant de disputes en réconciliations, émigrent en Argentine, à Buenos Aires. Hypothèse : le déracinement nourrit la relation conjugale, l'errance géographique renvoie intrinsèquement à la (dé)liaison amoureuse. Lai Yiu-fai et Ho-Po wing rêvent de se rendre aux chutes d'Iguazu. Ils se perdent sur la route des chutes et se quittent. Leur égarement se duplique à l'échelle humaine : la perte géographique mime leur séparation, humaine et géographique. Une phrase le montre clairement, le trajet en voiture - repère géographique - se joignant au trajet amoureux - repère du couple - : « J'ai jamais bien su où on était arrivés. Il en avait marre de moi. Il valait mieux se quitter ». Le tracé intérieur du couple s'associe au tracé sur la carte routière, comme en témoigne également la fonction métaphorique du dialogue : « Pour lui, c'était à double sens ». Les deux tracés deviennent indissociables et s'entremêlent : le couple épouse le trajet de la route et se perd dans les embranchements langagiers et cartographiques. Errance sur la route et perdition du couple fusionnent donc dans une des définitions possibles de cette errance géographique et humaine.