Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
Objectif Cinéma (c) D.R.

Aussi, comme l'annonçait les premiers plans de tampons de passeports à la douane, la recherche d'identité s'attache à des repères symboliques, matériels et non uniquement de nature géographique. Fai a caché le passeport de Wing et ne veut pas le lui rendre. Il l'a pris en charge et l'héberge dans sa chambre, mais se voit ordonner par celui-ci de lui restituer son symbole d'exilé indépendant. A nouveau ici, le déracinement identitaire nourrit le conflit opposant Wing à Fai. Objet symbolique, métonymique, voire objet de convoitise, le passeport entraîne la seconde rupture (une preuve d'identité conflictuelle) du couple et ses retrouvailles futures (le passeport comme alibi de retour chez Fai). La perte du passeport égare Wing et l'immobilise alors que cet objet devrait lui permettre de circuler. L'objet d'aboutissement de l'exil se mue en pur obstacle, par la faute de Fai. La recherche du passeport symbolise, dans une personnification de l'objet, la recherche identitaire de Wing. Mais l'obstacle que présente la perte du passeport de Wing s'origine dans sa tentative de s'extirper de sa réclusion quotidienne chez Fai. Sans passeport, Wing est privé d'identité. Or, la pièce d'identité ne lui serait pas rapportée s'il avait son repère à lui. L'exilé poursuit sa quête en avant, de lieu en lieu. Sans papiers ni domicile fixe, la chambre ne peut lui servir que de lieu de transit.

Mais de quel transit s'agit-il ? La chambre sert-elle avant tout de point de départ ou de point de chute ? Elle est un repère insulaire : les deux hommes y vivent en reclus et nen sortent qu'à tour de rôle. De la scène du taxi (sur laquelle nous reviendrons) résulte un double état d'éveil, un soir dans la chambre ; plus précisément, une inversion symétrique de l'état d'éveil vers l'autre. Ici point, comme dans le taxi, une des figures du déraciné : le regard vers l'autre, presque perdu et sans retour. Une inversion s'est produite car leur relation renvoie au regard de l'autre, dans une logique de dépendance muette. Lieu de repos et de guérison (Wing, devenu voyou, roué de coups, demande de l'aide à Fai qui le soigne et l'héberge) et source de conflit (Fai a caché le passeport de Wing dans son repère), elle s'apparente, pour le couple, à une cellule mentale amoureuse. Toute la dialectique intérieur-extérieur tient dans cet espace clos ; entre les quatre murs de la chambre et la fenêtre donnant sur la ville, à peine distincte pour eux, invisible pour le spectateur.

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Dans Happy together, occuper l'espace de la chambre est toujours problématique. D'abord, les conflits résultent d'une impossible union : faire cohabiter les deux corps, dans le même lit, engendre par exemple une dispute houleuse. Fai dort seul et change de lit si Wing le rejoint : il s'exile. Ensuite, la cellule mentale s'ordonne à deux, le rangement des meubles entrepris par Wing entraînant à nouveau la colère de Fai. L'aménagement intérieur de la chambre paraît ainsi difficile et délicat. « Je ne dormirais pas si tu ne dis rien. Alors tu iras traîner dehors ! » lui rétorque Fai : l'espace mental de la chambre, à l'oppression de serre, ne s'ouvre et n'évoque l'extérieur qu'à l'approche du moindre conflit Wing est exilé du lieu où il vit en colocation. L'incompréhension, la méconnaissance de l'autre entraînent la partance de soi. Enfin, la relation intérieur-extérieur mise en exergue par la réclusion dans la chambre, fait ainsi miroiter l'infiniment petit (la chambre) et l'infiniment grand (Buenos Aires). Un dysfonctionnement général et intime des personnages et des lieux qui fait naître leur sentiment de déracinement.



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir