LE
REEL EN SCENE 16e édition
des Ecrans documentaires
Du 9 au 25 novembre 2001
Gentilly, Val-de-Marne, Paris
Par
Benjamin BIBAS
ENTRE
VISIBLE ET INVISIBLE, LE REEL
Qu’est-ce que le genre cinématographique documentaire ?
Question vieille comme l’art qui la porte, et qu’il serait
peut-être vain de vouloir un jour trancher. Dans le Val-de-Marne,
les avis divergent aujourd’hui aussi sur ce que l’on a encore
appelé le “cinéma du réel”. Le Conseil général, partenaire
des Ecrans documentaires, précise qu’il soutient ce genre
parce que "plus que jamais”, “la démocratie en appelle
à une information précise de chaque citoyen”. Dans son
très beau texte de présentation, le délégué général de la
manifestation, Didier Husson, souligne au contraire que “ cinquante
ans de culture télévisuelle ont à la fois atomisé notre pensée
et nos désirs ”. Il affirme, dès lors, “ l’extrême
nécessité de considérer le film documentaire autrement que
comme un outil encyclopédique, sans enjeux éthiques et esthétiques ”.
Pour cette raison, cette
16e édition s’est intitulée Le Réel en scène. Elle
a rendu hommage au G.r.e.c. (Groupement de recherche et essais
cinématographiques) et aux Ateliers Varan, ces quelques lieux
de France où l’on apprend encore à mettre en scène la réalité,
à filmer et à monter autrement que selon les règles imposées
par le producteur-diffuseur télévisuel. Elle a aussi proposé
quelques “ escales ” à travers les cinématographies
du Portugal, d’Afrique, du Maroc, de Hongrie ou de Palestine,
un pays sur lequel il est urgent de documenter. Elle a enfin
proposé trois journées d’étude sur “ La part de l’art
dans le documentaire, éthique et esthétique ”, afin entre
autres de tenter d’expliciter, mais aussi de dépasser, le
terme en vogue de documentaire “ de création ”.
Côté sélections, les trois films primés ont diversement répondu
à ces préoccupations. Passons rapidement sur Matrilineal
(Catherine Kluseman, 2001), lauréat dans la catégorie des
documentaires courts (moins de quarante minutes, dotée de
1150 Euros). La quête du passé familial de l’auteur, devenue
extrêmement commune dans les documentaires produits ces dernières
années, s’y heurte inévitablement à la réalité des camps nazis
vécue par la génération des grands-parents. A l’aide d’un
commentaire attendu en voix off sur le caractère héroïque
de la démarche, on assiste au difficile accouchement de la
parole de l’aïeule qui, et on la comprend, rechigne à remuer
cette douleur enfouie. Au cours de ces trente minutes pénibles,
la petite-fille, à qui la technique contemporaine a mis une
caméra 16 mm entre les mains, passe plus de temps à se faire
claquer la porte au nez qu’à donner naissance à une parole
libératrice.