Du 15 au 23 décembre 2001 s’est tenu
la seconde édition du festival Nouvelles images du Japon au
Forum des images de Paris. La programmation se voulait, et fut
riche, exhaustive : 26 longs-métrages dont la moitié inédits
ou en avant-première, un état des lieux de la création animée
pour les courts-métrages, la vidéo et le multimédia, rencontre
avec des créateurs majeurs comme Sunao Katabuchi, Kenji Kawai,
Satoshi Kon et enfin deux cerises sur le gâteau avec la présence
de deux maîtres de l’animation Hayao Miyazaki et Yasuo Otsuka.
Les plus jeunes spectateurs ne furent pas oubliés avec une programmation
conséquente et des ateliers leur étant spécialement dédiés.
Enfin, le festival acquit cette année une autre dimension grâce
à l’animation d’une master class dirigée par Yasuo Otsuka ayant
pour but la transmission de son savoir-faire aux étudiants et
professionnels de l’animation française.
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Journal de bord d’un bipède européen
en quête de nipponeries animées
Je n’avais plus qu’à me laisser imprégner,
me fondre dans ce flot d’images connues et inconnues. Et pourquoi
ne pas devenir à mon tour un tanuki….
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Samedi 15 décembre
Conan le fils du futur (Mirai shônen
Konan) de Hayao Miyazaki, Keiji Hayakawa
Dessin animé sur cellulo, 1978, 3x26 min, vidéo, couleur,
VF
Premier jour au festival, l’espace-détente du cyberport du
Forum des Images me réchauffe, la température descend en dessous
de zéro à l’extérieur. Une sorte d’ivresse, de joie collective
règne dans les lieux, le public ayant la certitude que le
spectacle qui l’attend sera de qualité. Le festival rencontre
d’ailleurs un véritable succès, la plupart des places ont
été vendues en pré-vente. La salle 300 est comble, place à
Conan le fils du futur.
Au 21ème siècle, la majeure partie du globe a été
engloutie par les flots après une nouvelle guerre mondiale.
Quelques rescapés, regroupés en communautés se sont installés
sur des lambeaux de terre isolés. La nation conquérante d’Industria
menée par le mégalomane Lepka cherche à recouvrer la puissance
destructrice des armes d’autrefois et enlève dans ce but Lana,
petite fille d’un scientifique de renom. Par chance Lana échoue
sur l’îlot où vit le jeune Conan. Dès le départ, le propos
est clair et net, on ne plaisante pas avec Conan, les forces
du mal n’ont qu’à bien se tenir et ceci nous est rappelé dès
le générique d’ouverture : « L’amour et la nature
feront de toi un surhomme … ta force est incroyablement géante
méga puissante ». Les faits sont établis, Lepka et sa
clique ne peuvent que constater les dégâts et avouer à corps
défendant : « Ce Conan, il est trop puissant ! ».
Première série animée produite et diffusée sur la chaîne de
télévision NHK, Conan le fils du futur est librement
inspiré du roman de science-fiction « The incredible
tide » d’Alexandre Key. Trop librement d’ailleurs car
les profonds changements effectués par Miyazaki, son appropriation
de l’œuvre originale lui valut quelques problèmes avec Key
mais aussi avec Otsuka (directeur de l’animation). Le désaccord
principal tient au rôle du personnage féminin : la petite
Lana y est jugée trop positive, avec une trop grande force
de discernement. Ce personnage fort, cette figure récurrente
de l’idéal féminin en opposition totale avec un Conan constamment
réduit à lui porter secours pousse le héros à être de plus
en plus fort d’épisode en épisode. Conan se voit ainsi transformé
au fur et à mesure des épisodes en une sorte de superman.
Conan le fils du futur n’en demeure
pas moins une œuvre de qualité supérieure, tant par la richesse
du récit (les personnages sont beaucoup plus complexes et
ambivalents qu’ils n’y paraissent) que par la qualité graphique
du dessin. En effet, chaque épisode nécessita le travail de
40 personnes à temps plein pendant 3 semaines. Un tel foisonnement
humain imposa également un impératif technique élevé :
parvenir à l’homogénéité des plans et du trait sur l’ensemble
des 26 épisodes. Pouvant paraître à première vue assez naïve,
cette série marque les premiers pas dans la mise en scène
d’Hayao Miyazaki et révèle les éléments fondateurs de son
œuvre : passion des séquences aériennes, fluidité de
la mise en scène. Conan le fils du futur est à ce titre,
vingt ans plus tôt, la préfiguration de Porco Rosso.
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