Dimanche 16 décembre
Pompoko Heisel tanuki gassen Pompoko) de Isao
Takahata
Dessin animé sur cellulo, 1994, 119 min, 35mm, couleur, VOSTF
La météo est toujours aussi hivernale et je ne suis pas mécontent
de m’engouffrer dans les entrailles du Forum des Halles. Malgré
l’heure tardive pour un dimanche soir, la foule est à nouveau
au rendez-vous, scotchée une demi-heure avant l’ouverture
devant les portes de la salle 300. Là encore une joyeuse fébrilité
règne ; petit détail amusant, l’auditoire est à majorité
masculine ce soir … Stade 2 n’est plus ce qu’il était !
On m’avait dit « Jérôme, avec Pompoko tu vas te
régaler », je ne pensais pas à tel point.
Dans le Japon contemporain, Tokyo entreprend
dans le cadre de sa politique d’extension urbaine la création
d’une ville nouvelle, Tama. Montagne et forêt se voient rongées
par les défrichages massifs, les animaux sont dans l’obligation
de fuir par manque de nourriture. Le peuple de tanuki, des
animaux auxquels la tradition prête des pouvoirs extraordinaires
n’échappe pas à la pénurie. Pour combattre la folie destructrice
des hommes ils décident d’employer et de ressusciter le « Grand
art », l’art de la métamorphose et de réveiller ainsi
les craintes ancestrales de l’homme face à la nature.
Pompoko est une œuvre originale,
un film inclassable, surprenant, hautement touchant et d’un
humour ravageur. À travers une narration qui suit le rythme
des saisons, ce film est avant tout un conte à plusieurs épaisseurs
temporelles : c’est un hymne à la civilisation et à la
tradition japonaise. On apprend ainsi que les tanuki (sorte
de gros ratons laveurs) furent les sujets préférés des artistes
japonais durant la période Edo. C’est également un conte contemporain
qui aborde le problème on ne peut plus actuel de l’écologie.
La force de ce film tient essentiellement dans l’incroyable
inventaire du patrimoine culturel japonais que le spectateur
occidental néophyte reçoit en pleine figure. À cela s’ajoute
une très forte dose d’humour diffusé en continu tout au long
du film. Imprévisible et faisant mouche à chaque fois. Qu’on
se le dise, les tanuki, même dans l’adversité, sont de joyeux
gais lurons et se faufile à mon souvenir cinéphile certains
Gremlins tous aussi désopilants du sieur Dante...
Tous les prétextes sont bons pour faire
la fête et ce ne sont pas les 999 ans d’un des grands maîtres
du Grand art qui affirmeront le contraire. L’humour procède
d’un traitement graphique particulier. À l’exemple du « Collège
fou fou fou », les tanuki, représentés de la façon la
plus figurative et réaliste qui soit dans nombre de scènes,
se transforment en petites bestioles rondouillardes dès lors
que le comique domine le récit (tanuki mangeant un cheeseburger,
tanuki regardant la télévision …). Le tanuki n’est pas qu’un
simple farceur, le dos au mur il devient alors un redoutable
guerrier. Takahata met toute sa puissance de création ainsi
que son imaginaire pour nous révéler toute l’étendue de la
palette japonaise : les arts martiaux sont largement
représentés dans les différentes scènes de combats, la grande
parade ectoplasmique des tanuki dans les rues de la nouvelle
ville est une véritable procession des mythes fondateurs de
l’âme japonaise (dieux, créatures maléfiques, dragons, samouraïs
… À noter le clin d’œil de Takahata à Miyazaki avec la participation
de Porco Rosso à la parade). Le film s’achève sur une dernière
démonstration de force du pouvoir ancestral des tanuki,. Vaincus
par les hommes, ils emploient une dernière fois le Grand Art
afin de reconstituer le paysage d’antan, sorte d’achèvement
dans la résurrection : de l’âme, des traditions, de l’espoir.
« Sommes-nous bien certains que les tanuki ont disparu ? »
semble nous demander Takahata. Pour ma part et sur cette note
d’espoir, je me mets dès demain à leur recherche…
Lundi 17 décembre :
« Des pixels en veux-tu en voilà »
Ce soir, on n’est pas là pour rigoler, projection « Digital
Cinema » en avant-première mondiale présentée par NTT.
NTT a développé un système de projection de cinéma numérique
de haute qualité (la super haute définition). Sa résolution
de plus de 2000 lignes TV lui permet d’atteindre la qualité
du film 35 mm. Ce système est basé sur une définition d’image
de 8 millions de pixels (si) et d’une fréquence de 24 images
par seconde pour un écran de plus de 7 mètres de large. Avec
un tel système, NTT propose donc un nouveau standard des plus
performants avec une qualité atteinte jusqu’alors uniquement
sur support pellicule. Ce nouveau système numérique permet
d’utiliser des moyens de production variés et offre (fait
nouveau et majeur) grâce aux réseaux haut débit, une possibilité
de distribution des œuvres cinématographiques sans pellicule.
Le Digital Cinema de NTT entre de pleins pieds en compétition
avec le support 35 mm et annonce (selon les vœux de Tetsuro
Fuji, chef du département Media Processing Systems Research
Group) une nouvelle génération de cinéma numérique. NTT voit
grand, nous promet l’éternité des films, leurs tournages directs
en numérique à court terme. Et mes amis les tanuki, ils sont
où dans tout ça ?
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