Mardi 18 décembre
Si tu tends l’oreille (Mimi o sumaseba) de Yoshifumi
Kondô
Dessin animé sur cellulo, 1995, 111 min, 35 mm, couleur, VOSTA
Shizuku, jeune collégienne dans la grande
banlieue de Tokyo est une passionnée de lecture qui rêve de
devenir écrivain. Elle fait la connaissance de Seiji, élève
d’une autre classe. Découvrant par inadvertance les talents
de violoniste du jeune garçon, Shizuku ne tarde pas à s’épandre
de lui. Seiji quant à lui décide de mettre fin à sa scolarité
et part en Italie pour accomplir son rêve, devenir luthier.
Si tu tends l’oreille est le premier
long-métrage du studio Ghibli réalisé par un autre réalisateur
que Takahata ou Miyazaki. Ce fut le premier et seul long-métrage
de Yoshifumi Kondô décédé en 1998 à l’âge de 47 ans. Malgré
la participation artistique importante de Miyazaki (notamment
pour le story-board) ce film révèle une « patte »
nouvelle » où une esthétique du réel s’affirme. Réalité
de la représentation de la vie urbaine des personnages et
de leurs tics quotidiens, réalité graphique, peu courante,
dans la représentation des émotions des personnages (Kondô
travailla sur le personnage de la petite fille du Tombeau
des lucioles). Hormis le récit lui-même, ces éléments
sont constitutifs, à mon sens, d’un film dédié au réalisme
sentimental et atmosphérique.
Si tu tends l’oreille ne s’apparente
pas à une simple description - au demeurant réussie - du paysage
urbain japonais. Il empreinte dans sa construction de nombreux
éléments du conte occidental classique dont le plus flagrant
est celui du chat d’Alice au pays des merveilles. Moon
(le chat en question) accompagne Shizuku dans ses déambulations
pour finalement la guider comme le but ultime d’une quête
vers Seiji. Kondô relève un double pari dans ce film :
faire cohabiter des scènes de pure féerie (Shizuku volant
dans les airs avec la poupée du chat) avec des scènes d’un
réalisme approchant le documentaire, celle de la pluie de
fin d’été tombant sur les lycéens désœuvrés ou révisant leurs
examens de rentrée). Le point d’orgue réaliste est d’ailleurs
atteint lors du générique de fin avec un plan fixe où la population
de la ville rentre et sort du cadre en vaquant à ses occupations.
Jeudi 20 décembre
Carte blanche à Yasuo Otsuka
Yasuo Otsuka est né en 1931. Son entrée
dans la profession en 1956 coïncide avec la fondation de la
section animation du studio Toê, le premier studio
japonais de dessin animé. Il accède rapidement au poste d’animateur
clef. C’est là qu’il rencontre Isao Takahata et Hayao Miyazaki.
Fin 68, Otsuka quitte Toê pour le studio concurrent A Production
où il est bientôt rejoint par Takahata et Miyazaki. Il travaille
avec eux en tant que directeur de l’animation sur la première
série TV, Rupan Sansei (1971-72) puis sur les deux
courts-métrages de Panda koponda (1972-73). En 1978,
Otsuka est appelé par Miyazaki pour travailler sur Conan
le fils du futur et y fait ses débuts dans la mise en
scène. Il fonde à la même époque les bases du studio Telecom
où Miyazaki le rejoint pour mettre en scène son premier long-métrage,
Le château de Cagliostro (1979), Otsuka dirigeant l’animation.
Après plusieurs années de travail infructueux sur le projet
Little Nemo, il supervise l’animation d’un nouveau
long-métrage, Le complot du clan Fûma (1987).
Découvreur de talents, formateur de plusieurs
générations d’animateurs, Yasuo Otsuka est célèbre pour la
sûreté de son jugement sur les qualités et les capacités des
dessinateurs. Il dispense depuis la fin des années 80 un enseignement
du dessin animé (théorique et artistique). Cette soirée carte
blanche retrace le parcours artistique d’Otsuka à travers
une sélection de films et d’extraits. Parmi les influences
majeures figure Paul Grimault. La bergère et le ramoneur (1953)
eu un impact déterminant sur Otsuka et toute une génération
de créateurs japonais. S’agissant d’Otsuka, Le petit soldat (1947)
est le film référence, le point de départ qui lui donna envie
de faire du dessin animé. Le génie de Grimault tient selon
Otsuka au traitement de la sensibilité, le comportement humain
des personnages, leur profondeur, leur psychologie (scènes
du roi se faisant tirer le portrait dans La bergère et
le ramoneur). Il est admiratif devant le symbolisme de
Grimault, la force des scènes expressives malgré l’absence
de mouvement. Totalement converti à l’ouvre de Grimault, il
alla jusqu’à examiner certains plans image par image, ne se
lassant jamais de la richesse des phases d’arrêt/mouvement,
contrairement à Disney où le mouvement perpétuel prime. La
reine des neiges (1957) d’Atamonov fait également
partie des œuvres qui marquèrent profondément Otsuka. Son
admiration se porte ici sur le caractère fantastique de l’image
via le traitement des couleurs. La création du monde
film tchèque d’Edouard Homan (1957) fait également partie
des références d’Otsuka de par son aspect poétique, il y relève
aussi une grande maîtrise technique de l’animation notamment
par le procédé dit « en larmes ». À travers ces
différents exemples, on peut constater l’importance de l’influence
des œuvres occidentales (et majoritairement françaises) sur
celles d’Otsuka. Qui a dit que l’animation se résumait à Disney
et aux mangas nombrilistes ?
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