Coup d'œil sur la programmation
française de ce 24e festival de Clermont-Ferrand. Et
disons le d'emblée, le cru 2002 n'est pas d'un niveau
exceptionnel. Certains programmes brillaient même par
leur faiblesse insigne et l'on se demandait carrément
comment certains films arrivaient à se faire sélectionner.
Concernant l'ambiance, il semblait que le cœur n'y était
pas vraiment. On ne peut pas dire que c'était la grosse
fête ! Certes, il y avait foule, et la brasserie Gergovia,
attenante au palais des congrès, était toujours
pleine et animée, mais si l'on écoutait bien
les propos qui s'échangeaient ici et là, on
pouvait déceler une certaine inquiétude, cristallisée
autour d'un acteur très présent au festival
: rien moins que Canal +, et l'orientation incertaine du groupe
en matière de soutien à la création cinématographique
française, notamment de court métrage. Bref,
l'ombre de J2M planait sur la bonne ville de Clermont. Qui
peut lui échapper ? Cela étant dit, il y avait
tout de même du bon à prendre et quelques réussites
indiscutables.
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Et tout d'abord le grand
prix de la compétition nationale attribué à
Des Anges, de Julien Leloup. Récompense pleinement
justifiée. Ce film est un petit bijou de maîtrise
et d'efficacité, percutant et dérangeant quant
au sujet qu'il traite : la violence des mineurs dans les banlieues.
Leloup évite les deux principaux écueils qui
le guettaient : d'une part l'énième film sur
les banlieues à caractère sociologisant, d'autre
part la complaisance dans la violence. Le film raconte la
journée de dérive dans une cité de deux
gamins (disons des pré-ados) à gueule d'ange.
Ils accumulent les bêtises et les blagues, mais celles-ci
peu à peu se font de moins en moins drôles, de
plus en plus inquiétantes, jusqu'à l'explosion
de violence finale, terrible et glaçante. Ce qui frappe,
c'est à quel point Julien Leloup, ancien de la Fémis
et excellent monteur (on le retrouve à ce poste dans
un autre film sélectionné, Novela, de
Cédric Anger), possède en maître les ressorts
et les effets du langage cinématographique. C'est en
ce sens que son film est efficace : un film parfaitement pensé
et voulu. Ainsi, dès l'écriture, le récit
est extrêmement bien construit, presque sans faille,
tirant le meilleur parti du format court (à peine 15
minutes), c'est-à-dire très dense. On reconnaît
la structure d'un mini-récit picaresque : deux personnages
qui, le long d'un chemin qu'ils parcourent, ont des aventures
et font des rencontres. Leloup sait y installer une tension
qui monte irrésistiblement jusqu'à un climax
final brusque et inattendu. Or, ces qualités narratives
sont amplifiées par des qualités formelles :
un sens très sûr du cadre, toujours précis
et juste, qui fait mouche et, bien sur, un montage parfait,
très dynamique et rythmé. Sans oublier un jeu
d'acteur déconcertant de naturel.
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