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LOUP !
Réalisatrice :
Zoé Galeron, Scénario : Zoé Galeron,
Production : Bénédicte Couvreur et Jérôme
Dopffer, Image : Olivier Bertrand, Montage : Amrita David,
Son : Jérôme Florenville, Année :
2001, Pays : France, Durée : 22 min, Sélection :
française, Prix : Canal +
Hémorragie du
désir
Loup ! de Zoé
Galeron s’inscrit dans la mouvance essentielle du court-métrage
français d’aujourd’hui estampillé Canal +, le
film fantastique et d’angoisse, en droite ligne de Trouble
Every Day, de Claire Denis. Une veine scindée en
deux composantes symboliques, entre Loup ! qui
halète, vocifère ou attaque de plein front,
et Reptile, autre production Canal + signée
Pascal Stervinou, son versant opposé, plus anecdotique,
qui ne cherche qu’à faire fondre l’intriguant dans
le décor en usant d’effets spéciaux.
Ferdinand est photographe.
Il se rend dans une petite station balnéaire pour faire
des photographies du mariage de Lucie. L’angoisse progressive
naît moins de l’étrange secret gravitant autour
de la jeune femme, enceinte et esseulée, que dans la
pulsion viscérale, le désir orageux qui les
aimantent l’un à l’autre. Comme dans Trouble every
day, le désir transparaît d’un mal et d’une
rage informes, virus transmis par infiltration veineuse, sexuelle :
contagion malsaine et analité monstrueuse qui culminent
dans le viol cannibale de l’autre.
Sous le grand chêne
d’une forêt noire, Lucie cache sous sa robe de mariée
Ferdinand, pris en chasse par les villageois à la suite
de la disparition d’un enfant. On assiste, lors d’un plan
dont la composition picturale joue sur le dessous et le caché,
le transgressif et le mélange du merveilleux et de
l’horreur, à la mise au monde de l’homme enfanté
par Lucie, se propulsant doucement hors de la grande robe
blanche ; monstre procréé par la nature
et recréé par la figure matricielle de la femme.
La presqu’île de la forêt devient le théâtre
d’une mutation humaine que parachève, dans sa phase
terminale, la traque et la faim, dévorante, d’un enfant.
Qu’est-ce que Loup ! ? Le récit d’un
manque et de son dépassement - carnivore. Et encore :
le mariage des contraires entre l’immaculé et une furie
sanguinaire portée à incandescence. De cette
césure incolore jaillit l’effroi.
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MONSIEUR WILLIAM OU LES TRACES D’UN
POSSIBLE
Réalisateur :
Denis Gaubert, Production : Antoine Roch, Scénario
: Sarah Sobol et Jean-Christophe Sanchez, Son : Julien Ngo-Trong
et Gwwal Coïc, Année : 2001, Pays :
France, Durée : 25 min, Sélection :
française et internationale
Poétique de la mémoire
Denis Gaubert signe avec
Monsieur William, l’œuvre la plus troublante et innovante
du festival, à travers l’expérimentation d’un
palimpseste. Des films de Gaumont utilisés comme images
initiales, Gaubert efface le sens initial. Un homme est interné
à l’hôpital de Richmond dans le service de neurologie
du Dr Glass avec cette note : " Abandonné,
confus et désorienté, identité inconnue ".
Les infirmières le baptisent Monsieur William. Dans
son entreprise voisine du found-footage, qui a pour
valeur poétique de retravailler la durée et
la pellicule de films préexistants, dans un travail
commun de suspension de l’origine et de médecine de
l’image, Monsieur William draine un questionnement
sur l’identité, la provenance des images : il
s’agit moins de fonder une intrigue à partir d’un matériau
originel de photographies ou de films amateurs, que de réactiver
la mémoire perdue des images. Monsieur William apparaît
à la fois comme le passeur et le passage des images,
médium amnésique qui doit retrouver la mémoire.
Dans leurs crises hypermnésiques, les fous perçoivent
des images : celui-ci revoit-il son passé ou est-il
fou ? Denis Gaubert interroge en filigranes l’idée
de transfert et de folie : ici, les transferts mentaux
des images déterminent la véracité des
souvenirs. La mémoire des images transmet aussi la
mémoire des visages de Monsieur William. La voix restitue
des fragments de souvenirs, la mémoire perdue est restituée
en images de lieux.
Les lieux incarnent les
traces d’une vie possible ou hallucinatoire. Les extraits
du journal du Dr Glass lus en voix off, ponctués de
chansons de Gainsbourg ou Ferré, dressent un état
des lieux du patient, dans une déconstruction de son
" enfer mental ". Des enfants sautent
sur place, dans le vide d’un espace blanc, surexposé
à la lumière. Une boucle d’image lancinante
qui comble un vide et devient pourtant obsédant, mémorable.
Les défaillances de Monsieur William, atteint d’une
angoisse et d’un mal irréversibles, se fondent dans
des espaces désaffectés (halls de gare, " labyrinthe
d’appartement vide "). Passages parisiens, parfums
de parquet ciré, vues d’animaux du zoo de Vincennes
et sourires d’inconnues révèlent, enfouie dans
l’écrin personnel de Monsieur William, la beauté
perceptive des espaces mentaux, que recrée sa mémoire
intermittente. Entre le flicker suspensif (battements
d’images) qui obstrue la narration et les boucles de réminiscences
mentales, ce continuum magique laisse percer la lumière
d’un cinéma perdu et retrouvé.
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