A Annecy, la Biennale du cinéma espagnol existe depuis
 20 ans. Au départ conçu comme un événement
 unique, son succès en fit un rendez-vous régulier.
 Cette année la programmation fut riche et permit de voir
 des aspects divers d'une production cinématographique
 espagnole qui passe difficilement les Pyrénées,
 hormis quelques exemples récents (Pau et son frère).
 Huit films furent présentés en compétition,
 des premiers ou seconds films, et plus d'une trentaine de films
 en panorama. Il est clair que sur cet ensemble qui représentait
 près de deux années de production du cinéma
 d'un seul pays, il y eut du bon et du mauvais. Mais quand sur
 une production internationale, on ne voit souvent qu'une poignée
 de très bons films, il est toujours rassurant pour la
 créativité d'un pays que quelques-uns de ses films
 sortent du lot.
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 Dans l'ensemble, cette année
 fut plutôt réussie, révélant un
 cinéma bien vivant, se renouvelant plus franchement
 que le cinéma italien dont le précédent
 festival à Annecy montra surtout les difficultés
 créatives. Si les films n'ont jamais réellement
 surpris par leur démarche formelle (hormis Nomadas,
 le grand prix; on y revient) ils peuvent s'enrichir de sujets
 nouveaux, originaux, de scénarios ambitieux, volontairement
 ancrés dans la réalité sociale d'un pays
 qui ne cesse de dialoguer avec ses démons du passé,
 la guerre civile et la dictature. 
  
 Ainsi, beaucoup de films prennent la guerre pour sujet, que
 ce soit de manière frontale ou détournée:
 Silencio roto de Montxo Armendariz décrit la
 vie d'un village à la fin de la seconde guerre mondiale,
 au moment où la dictature s'installe et élimine
 progressivement les derniers républicains se terrant
 dans le maquis. Le réalisateur s'intéresse ici
 surtout aux relations des villageois et à la difficulté
 de choisir son camp, aux trahisons et à la nécessité
 de croire dans les idées démocratiques. Le film
 est sobre, sa mise en scène extrêmement dépouillée.
 Pourtant en dépit d'un sujet fort, d'une direction
 d'acteurs efficace et rigoureuse, d'une photo superbe, le
 film ne se démarque jamais de son académisme
 et présente peu d'idées de réalisation,
 ce qui plombe le récit et émousse pour une grande
 part l'intérêt. L'échine du diable,
 du talentueux Guillermo del Toro, installe son récit
 fantastique, mélodramatique et baroque sur un arrière
 plan de guerre civile où les actes les plus barbares
 ne trouvent plus de punitions. Dans un orphelinat en pleine
 zone désertique de l'Espagne, un jeune garçon
 dialogue avec le fantôme d'un orphelin assassiné.
 Le scénario fait se croiser la guerre civile, la cruauté
 du surveillant de l'orphelinat (Eduardo Noriega, présent
 dans toutes les grandes productions espagnoles) et les peurs
 enfantines face à la mort et à la guerre, symbolisées
 ici par la présence d'un spectre réclamant justice.
 Del Toro, auteur du très mauvais et hollywoodien Mimic
 (sinistre navet à base d'insectes géants
 dans les profondeurs de New York) revient ici avec un film
 plus personnel, au scénario plus lyrique. Comme Amenabar,
 aujourd'hui adulé de tous grâce à Los
 Otros avec Nicole Kidman (pâle clonage de Sixième
 Sens et du film que Jack Clayton réalisa
 à partir du Tour d'écrou de Henry James),
 Del Toro lorgne délibérément du côté
 américain avec sa mise en scène soignée,
 très classique sans être pesante, car toujours
 animée d'un souffle poétique inspiré
 autant par le fantastique gothique que par les thèmes
 visuels du western. Malgré son spectaculaire affiché,
 le film peut plaire par sa grande maîtrise et son regard
 attachant qu'il porte sur l'enfance. 
  
  
  
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