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10e Biennale du cinéma espagnol (c) D.R. 10e BIENNALE
DU CINEMA ESPAGNOL

du 16 au 24 mars 2002
Annecy
par Sylvain MILLIOT


A Annecy, la Biennale du cinéma espagnol existe depuis 20 ans. Au départ conçu comme un événement unique, son succès en fit un rendez-vous régulier. Cette année la programmation fut riche et permit de voir des aspects divers d'une production cinématographique espagnole qui passe difficilement les Pyrénées, hormis quelques exemples récents (Pau et son frère). Huit films furent présentés en compétition, des premiers ou seconds films, et plus d'une trentaine de films en panorama. Il est clair que sur cet ensemble qui représentait près de deux années de production du cinéma d'un seul pays, il y eut du bon et du mauvais. Mais quand sur une production internationale, on ne voit souvent qu'une poignée de très bons films, il est toujours rassurant pour la créativité d'un pays que quelques-uns de ses films sortent du lot.


  Nomadas (c) D.R.

Dans l'ensemble, cette année fut plutôt réussie, révélant un cinéma bien vivant, se renouvelant plus franchement que le cinéma italien dont le précédent festival à Annecy montra surtout les difficultés créatives. Si les films n'ont jamais réellement surpris par leur démarche formelle (hormis Nomadas, le grand prix; on y revient) ils peuvent s'enrichir de sujets nouveaux, originaux, de scénarios ambitieux, volontairement ancrés dans la réalité sociale d'un pays qui ne cesse de dialoguer avec ses démons du passé, la guerre civile et la dictature.

Ainsi, beaucoup de films prennent la guerre pour sujet, que ce soit de manière frontale ou détournée: Silencio roto de Montxo Armendariz décrit la vie d'un village à la fin de la seconde guerre mondiale, au moment où la dictature s'installe et élimine progressivement les derniers républicains se terrant dans le maquis. Le réalisateur s'intéresse ici surtout aux relations des villageois et à la difficulté de choisir son camp, aux trahisons et à la nécessité de croire dans les idées démocratiques. Le film est sobre, sa mise en scène extrêmement dépouillée. Pourtant en dépit d'un sujet fort, d'une direction d'acteurs efficace et rigoureuse, d'une photo superbe, le film ne se démarque jamais de son académisme et présente peu d'idées de réalisation, ce qui plombe le récit et émousse pour une grande part l'intérêt. L'échine du diable, du talentueux Guillermo del Toro, installe son récit fantastique, mélodramatique et baroque sur un arrière plan de guerre civile où les actes les plus barbares ne trouvent plus de punitions. Dans un orphelinat en pleine zone désertique de l'Espagne, un jeune garçon dialogue avec le fantôme d'un orphelin assassiné. Le scénario fait se croiser la guerre civile, la cruauté du surveillant de l'orphelinat (Eduardo Noriega, présent dans toutes les grandes productions espagnoles) et les peurs enfantines face à la mort et à la guerre, symbolisées ici par la présence d'un spectre réclamant justice. Del Toro, auteur du très mauvais et hollywoodien Mimic (sinistre navet à base d'insectes géants dans les profondeurs de New York) revient ici avec un film plus personnel, au scénario plus lyrique. Comme Amenabar, aujourd'hui adulé de tous grâce à Los Otros avec Nicole Kidman (pâle clonage de Sixième Sens et du film que Jack Clayton réalisa à partir du Tour d'écrou de Henry James), Del Toro lorgne délibérément du côté américain avec sa mise en scène soignée, très classique sans être pesante, car toujours animée d'un souffle poétique inspiré autant par le fantastique gothique que par les thèmes visuels du western. Malgré son spectaculaire affiché, le film peut plaire par sa grande maîtrise et son regard attachant qu'il porte sur l'enfance.