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A mi madre le gustan las mujeres (c) D.R.
Dans le genre peu inspiré, La Furia del Baus, groupe de recherches scéniques pourtant doué quand il s'agit d'opéra, entre en cinéma avec un film, hélas, terriblement nul. Fausto 5.0 est une sorte de récit techno-punk sans intérêt baignant dans un erstatz de représentation anticipative qui emprunte tout à William Gibson, Bilal, Volodine (on est gentil). Esthétique gore (sans humour), réalisation inepte, histoire mille fois vue dans mille mauvais téléfilms US. Passons.

Outre Nomadas, le palmarès présentait un prix du public, décerné à A mi madre le gustan las mujeres (ma mère aime les femmes), comédie de mœurs poussive sur l'homosexualité enfilant les lieux communs et les dialogues navrants. Fermons les yeux sur les goûts du public.

Toutefois ce type de film montre que le cinéma espagnol tente aujourd'hui de traiter de manière légère des sujets de société qui en Espagne, pays resté encore sous influence religieuse et traditionaliste, demeurent tabous.


CINEMA DU REEL

Quelques films de jeunes réalisateurs s'emparent des questions sociales et jouent sur le réalisme ; ce fut le cas de Salvajes de Carlos Molinero, et dans une moindre mesure de Fugitivas de Miguel Hermoso, Celos de Vicente Aranda, El cielo Abierto de Miguel Albaladejo, tous réalisant une description de l'Espagne d'aujourd'hui, loin des grands films historiques souvent soignés mais romançant sans cesse l'Histoire, comme Visionarios de Manuel Gutierrez Aragon.

La Biennale permit de signaler la présence toujours vivante du cinéma du réel et du documentaire avec des films comme Extranjeros de si mismos Jose luis Lopez-linares et Javier Royo, Los ninos de Rusia de Jaime Camino, Asesinato en Febrero de Eterio Ortega Santillana et En construccion de Jose Luis Guerin.

  En construccion (c) D.R.

Ce dernier nous apparaît comme le plus admirable film qu'on ait pu voir cette année. Guerin a suivi sur trois ans la destruction d'un quartier populaire de Barcelone à des fins de réhabilitation subventionnée par la communauté européenne. Comme dans beaucoup de villes historiques européennes, on détruit des quartiers pour reconstruire à leur place des immeubles neufs, chers, où s'installeront les classes moyenne et bourgeoise. Guerin ne fait pas de morale ; il laisse sa caméra ouverte et enregistre la vie des habitants du quartier, leurs réactions face au vaste chantier, les discussions, les relations de travail. Au fil de son séjour avec ces habitants, il se fixe sur quelques personnes qui sont autant de personnages, le vieillard politologue surréaliste qui dès l'ouverture du film fait à qui veut l'entendre un discours brillant sur l'urbanisme moderne ; l'ouvrier philosophe palestinien qui tente de convertir son collègue au marxisme et aux poètes religieux ; le couple d'ados échoués, naviguant entre fumettes et tapin. Jamais le film ne les caricature. Ils sont entiers, authentiques. On ne sombre jamais non plus dans l'humanisme béat ou dans une quelconque condescendance d'artiste. Beaucoup de scènes, de dialogues, doivent énormément aux habitants ou ouvriers du chantier. Leur verve, leurs commentaires souvent très fins de la situation à Barcelone résonnent de sens. Ainsi cette discussion entre deux chefs de chantier à propos de l'église intégrée au site et du rapport à l'histoire de l'architecture ; ainsi les discussions poignantes entre le chef maçon, esseulé, incroyant, avec son ouvrier marxiste, poète lumineux amoureux de la vie. Le film n'est pas juste un documentaire sur un quartier, c'est une véritable œuvre de cinéma. Toute sa narration passe par son montage, où les séquences se fondent les unes dans les autres, se répondent, se dialectisent. Les prises de vue regorgent d'idées à chaque fois : l'opposition dans un seul plan entre une habitante remontant en un geste séculaire son sac par son balcon et la grue d'en face remontant des poutrelles d'acier ; les ouvriers attendant sur le toit le ciment qui ne vient pas, dans une attente figée, quasi mystique, contemplative. Les exemples ne manquent pas. Guérin donne en plus à ses plans, une puissance métaphorique évidente : le chantier découvre au début du film les restes d'un cimetière romain. Les habitants se pressent autour des barrières pour voir les ossements, ce surgissement inattendu de l'Histoire dans le tissu urbain. Et quand le quartier dort, la clarté lunaire habille les crânes de ses dormeurs antiques. Cette Histoire qui travaille les apparences, elle se résout dans le cinéma, la plus grande mise en commun des récits mythiques. Guérin en une séquence, délivre sa profession de foi artistique : il filme à travers les vitres des salons, les téléviseurs diffusant un film hollywoodien où Liz Taylor commande la construction des pyramides, mettant ainsi en perspective à l'aide du cinéma, l'histoire des constructions humaines, la modernité urbaine et la mise en scène de l'histoire. En Construccion nous rappelle ce qu'est le cinéma : des images produisant du sens. Ce film important apparaît comme un grand poème, une œuvre de résistant, un chant au cinéma et à l'humanité.

En conclusion cette 10e Biennale du cinéma espagnol permit de montrer un cinéma bien vivant, qui s'impose par la qualité de certaines de ses productions. Si les vieux briscards sont toujours là avec un cinéma souvent très romancé et très classique (Aranda, Suarez, Bigas Luna, Armendariz), la jeune génération est présente avec des films très construits, voire même classiques (Amenabar, Del Toro, Manas) ou plus frondeurs (Marc Recha, Lopez-Gallego). Ce cinéma qui toujours tente de grandir à l'ombre de son représentant illustre (Almodovar) mérite de trouver une place de choix au sein de la cinématographie internationale.




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Biennale du Cinéma Espagnol
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