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Souvent la technique fait
écran au propos dans de nombreux courts ; c’est
le cas de beaucoup de films en 3D, qui, dans leur recherche
permanente de l’imitation de la vie et du mouvement, lâchent
la proie pour l’ombre, la profondeur pour les séduisants
effets de surface. Il semble que la 3D, si elle ne trouve
pas bientôt ses auteurs, ne reste engluée dans
son esthétique du vide au service du spectaculaire.
Le jeu vidéo, vécu et assumé comme genre
cinéma à l’ère télévisuelle
(cette époque du " monitoring "
où le cinéma devient une variation du télévisuel)
n’est pas pour rien dans la tendance aux images de synthèse
dans le long métrage d’animation, avec d’un côté,
des productions à l’esprit " cartoon "
(Toy Story, Ice age, Monstres et Cie)
et de l’autre les rêves de la mimesis (Final Fantasy).
Le film Icebergclub de Jean Pascal Princiaux prit royalement
le contre pied de cette dernière tendance de l’hyper
réalisme de synthèse, et aurait dû bénéficier
d’une mention spéciale au palmarès pour l’audace
de son idée et sa réalisation. Le film est la
réalisation fictive, la plus réaliste possible,
d’un événement historique, la rencontre du Titanic
avec un iceberg, vue depuis l’iceberg ; comme si une
caméra vidéo y avait été postée ;
le film se donne alors comme le témoignage réel
et unique d’une mythologie du 20ème siècle.
Le spectateur assiste en temps réel (31 min) à
la rencontre, mais pas au naufrage, puisque le Titanic n’est
ici qu’un événement physique comme un autre
dans la vie de l’iceberg. Les vingt cinq premières
minutes nous plongent dans une pure durée, avec pour
horizon la surface sombre de l’eau, ses reflets, ses micro-mouvements,
le ciel étoilé et ses propres mouvements d’écliptique.
La bande-son, vide de musique ou de commentaire, déploie
une trame de bruits d’eau, de glace, extrêmement réaliste
et inquiétante. Le film, par son côté
radical, par son approche de la durée, se rapproche
des expériences vidéos de l’art contemporain ;
on pense en le voyant aux œuvres de Bill Viola qui travaille
aussi sur la perception du temps dans l’image ; mais
ici, le dispositif reste celui d’un film de fiction. Le film
utilise à merveille l’incroyable bénéfice
réaliste des techniques 3D au profit d’un vrai travail
de cinéma, c’est-à-dire sur le temps, le cadre
et les événements. C’est ce que le public ne
comprit pas (excédé au cinéma par le
temps réel, le public en est au contraire friand à
la télé) et le jury malheureusement non plus.
Ce dernier se rattrape
au palmarès avec un prix spécial décerné
à Home Road Movies, film anglais de Robert Bradbrook,
réalisé en 3D et prises de vue réelles.
Cette histoire d’un père de famille amoureux de sa
Peugeot d’après-guerre avec laquelle il emmène
sa famille en vacances, avant de voir passer les années
et de vieillir avec sa voiture, est pleine de nostalgie et
fait passer son émotion par un montage et une réalisation
quasi parfaite. L’histoire est narrée en voix-off par
le dernier des enfants, procédé qu’on retrouve
dans beaucoup de films cette année, sitôt qu’un
récit chargé d’émotions est au centre.
C’est le cas aussi de Loocking for Horses, film de
marionnettes, mention spéciale au palmarès pour
" la justesse de son émotion et sa mise
en scène ". Le film est certes correct, mais
d’autres, à la densité poétique et émotionnelle
bien plus forte, auraient mérité cette mention ;
c’est le cas de Ada, de Lee Withmore, film remarquable
à la simplicité touchante, et de Dog,
de Suzie Templeton, terrible récit, sombre, dévastateur,
au pessimisme sans retour.
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Du côté des
premières œuvres, il y eut de bonnes choses, la compétition
étant serrée ; Roof Sex, de PES
obtint le prix ; film de baise entre deux fauteuils sur
les toits de New York, et pur exemple de pixillation parfaite,
où le choix technique sert admirablement l’idée.
Notons aussi Paix des géraniums (notre préféré),
à l’humour génialement barré, The
Stone of the Folly, ou The Cat with Hands, dont
l’univers trouble de fantastique victorien rappelle un peu
celui des frères Quay (à quand une rétro
Quay à Annecy ?). Passons sur les erreurs du palmarès,
comme La Funambula, tribut annuel payé au poétisme
graphique antédiluvien, et Flux dont le graphisme
étonnant ne suffit pas à sortir le film du cliché.
Sur l’ensemble de la sélection
officielle des courts, aucun " grand prix "
ne s’est réellement imposé (peut-être
Dog…). Cette année, certains scénarios
présentèrent des histoires terriblement sombres,
comme si l’animation, définitivement adulte, ne craignait
plus d’aborder les sujets du cinéma en prises réelles.
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