A l’issue du Festival,
cinq films me paraissaient dignes d’intérêt :
L’ora Di Religione,
de Marco Bellocchio, pour la hardiesse du scénario,
la perfection de la réalisation et la performance de
Sergio Castellito.
L’homme sans passé,
de Aki Kaurismäki, jolie fable sur la solitude et la
solidarité, transcendant le mélo grâce
à l’humour caustique qui soutient le récit.
Intervention divine,
du Palestinien Elia Suleiman, tragi-comédie évitant
les pièges du film militant en proposant un film quasi
muet inspiré par Etaix et Tati.
Russian Ark, d’Alexandre
Sokourov, magistrale leçon de mise en scène
(évidemment méprisée par la critique)
nous faisant visiter le Musée de l’Hermitage en un
plan-séquence unique de 90’, tourné sans trucages.
Enfin, Bowling For Columbine,
de Michael Moore, courageux documentaire sur la vente des
armes aux U.S.A. qui devrait rendre honteux nos " journalistes "
de télévision s’ils le voyaient.
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Je trouve le Palmarès
du Jury présidé par David Lynch assez proche
de mes choix, à l’exception de la Palme d’Or qui, j’espère,
récompense plus l’ensemble de l’œuvre de Polanski que
ce monument académique qu’est Le Pianiste. Je
trouve irritante la rengaine sur le devoir de mémoire
lorsqu’on se trouve devant une grosse production dont l’ambition
est d’engranger quelques millions de dollars de bénéfices
en transformant en spectacle les massacres de la dernière
guerre. Le film est tiré de l’autobiographie de Wladyslaw
Szpilman, pianiste polonais, qui échappe à la
déportation et, de planques en planques, va regarder
de ses fenêtres les combats sans espoir que mènent
les Juifs du ghetto contre la Wehrmacht, sans envisager une
seconde de les rejoindre, ce qui en fait un personnage mou
et assez antipathique. Bien entendu, tout le ghetto polonais
parle américain, à l’exception des brutes nazies
qui aboient en allemand entre deux exécutions. Décidément;
les codes du cinéma mondialisé sont bien difficiles
à décrypter. Pour échapper au manichéisme
ambiant, Polanski nous dépeint les exactions des flics
juifs matraquant leurs compagnons d’infortune et sauve son
pianiste, comme dans le livre, grâce à l’humanité
d’un " bon " allemand mélomane,
ce qui facilitera peut-être l’exploitation du film en
Allemagne. Voir Le Pianiste ainsi récompensé
est pour moi la plus grande surprise de ce Festival.
Sur mes cinq films, trois
figurent au Palmarès où je regrette surtout
l’absence du superbe film de Bellocchio (peut-être jugé
trop anticlérical ?) dont la mise en scène me
paraît autrement autrement inventive que celles du farfelu
Punch Drunk Love ou de la pesante biographie du coréen
Chihwaseon.
Olivier Gourmet meilleur
acteur ? Pourquoi pas. On peut seulement regretter que les
Dardenne aggravent leur monomanie qui consiste à filmer
essentiellement les acteurs de dos, se déplaçant
dans d’interminables décors, ce qui n’est guère
gratifiant pour les comédiens.
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