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Carambolimages (c) D.R. COMPTE RENDU
DU 6e FESTIVAL
CARAMBOLIMAGES

Juin 2002
Saint-Jean de Braye
Par Nadia MEFLAH


Que peut faire un enfant avec des outils façonnés et utilisés par et pour les adultes ? Surtout si ceux-ci font appel à l’exigence du récit et de la représentation, c’est-à-dire ce qui nous fait homme ? Comment un petit homme (et pour quoi, pour qui…) peut-il devenir celui qui fait des " images " ? Comment une gamine d’une classe de CM1 peut-elle s’envisager comme corps actant devant un objectif qui la filme ? Qu’est-ce qu’un film d’enfants ? Qu’est-ce qu’une image ? Et pourquoi cela ?

DEVOIRS DE CLASSES

" Mon enfance passa, de silences en silences…. "
Jacques Brel, Mon Enfance

  Carambolimages (c) D.R.

Autant de questions taraudant mes esprits lors de mon bref passage (deux jours et demi) à ce " festival de films réalisés par des enfants et adolescents " où cette année, le thème retenu était la musique et la bande sonore. L’intitulé de la brochure, en forme de vache, mascotte ma foi assez rigolote de Carambolimages, manifeste une visée idéologique clairement énoncée : façonner l’esprit analytique et critique chez l’enfant : " dans une société moderne presque entièrement vouée aux images, l’enfant est souvent livré à lui-même face à l’abondance des messages plus ou moins agressifs, codés, voire truqués (…) ". Le propos est clair : le monde agresse, alors il faut armer nos enfants et ce afin de les rendre plus forts. Certes, le principe est fort engageant, tout le monde (en l’occurrence, les parents) peut se prévaloir, peu ou prou, de cette opinion de défense de la jeunesse. Seulement, cela revient à considérer le cinéma et sa pratique d’un point de vue essentiellement défensif (l’ennemi à abattre ?), une manière de se protéger de l’empire (et l’emprise) du média télévisuel qui attaque, envahit et assaille notre quotidien. Il me semble qu’envisager uniquement le cinéma comme une pratique pédagogique civique (construction du citoyen modèle et sage, lui-même réinscrit dans une dynamique de groupe assujettit à un pouvoir légitimiste) et non comme une expérience de l’imaginaire (la marge, l’altérité et le hors champ) limite les champ d'actions et de pensées de chacun, spectateurs compris. Or, sur le terrain, j’ai découvert que les enfants ont su engager le dispositif proposé vers des pistes autres que celle de la communication pédagogique. Des actes cinématographiques, même embryonnaires ; se sont exprimés où deux genres narratifs, propres au cinéma, ont vu le jour : le fantastique et le naturalisme (ici amoureux). Cependant certains films vus ne sont, hélas, que la caricature pathétique de l’univers télévisuel commercial, où l’enfant n’est là que pour singer un geste d’adulte. L'obscénité (celle qui fait de l’humain une chose jetée en pâture à la face de l’autre….) affleure lorsqu’une classe entière est embrigadée dans la conception d’un clip musical à la gloire d’Henri Dès (j’avoue ici mon écœurement musical). Il s’agit ni plus ni moins d’un rapt d’enfance au nom d’un genre ultra codé (le clip). En aucun cas il n’a pu être imaginé et créé par un groupe d’enfants, de par sa facture qui demande une maîtrise professionnelle du genre et du découpage filmique.

Deux systèmes narratifs importaient aux gamins : se faire peur et / ou rêver – le fantastique et raconter des histoires d’amour – le naturalisme. D’un côté, le cinéma américain version gore (nombreux courts-métrages de morts-vivants, sorcières, disparus) ou burlesque (le monde à l’envers, le délire visuel de l’animation, la poésie surréelle) et de l’autre Jean Renoir et la Nouvelle Vague (les potes, l’amour, le travail). Une filiation, certes un peu poussée, mais congruente où l’on constate que nous sommes à jamais taraudés par nos espérances de vies (l’autre) mais aussi nos démons de la nuit (nos cauchemars).