DEVOIRS DE CLASSES
" Mon enfance passa,
de silences en silences…. "
Jacques Brel, Mon Enfance
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Autant de questions taraudant
mes esprits lors de mon bref passage (deux jours et demi)
à ce " festival de films réalisés
par des enfants et adolescents " où cette
année, le thème retenu était la musique
et la bande sonore. L’intitulé de la brochure, en forme
de vache, mascotte ma foi assez rigolote de Carambolimages,
manifeste une visée idéologique clairement
énoncée : façonner l’esprit analytique
et critique chez l’enfant : " dans une société
moderne presque entièrement vouée aux images,
l’enfant est souvent livré à lui-même
face à l’abondance des messages plus ou moins agressifs,
codés, voire truqués (…) ". Le
propos est clair : le monde agresse, alors il faut armer
nos enfants et ce afin de les rendre plus forts. Certes, le
principe est fort engageant, tout le monde (en l’occurrence,
les parents) peut se prévaloir, peu ou prou, de cette
opinion de défense de la jeunesse. Seulement, cela
revient à considérer le cinéma et sa
pratique d’un point de vue essentiellement défensif
(l’ennemi à abattre ?), une manière de
se protéger de l’empire (et l’emprise) du média
télévisuel qui attaque, envahit et assaille
notre quotidien. Il me semble qu’envisager uniquement le cinéma
comme une pratique pédagogique civique (construction
du citoyen modèle et sage, lui-même réinscrit
dans une dynamique de groupe assujettit à un pouvoir
légitimiste) et non comme une expérience de
l’imaginaire (la marge, l’altérité et le hors
champ) limite les champ d'actions et de pensées de
chacun, spectateurs compris. Or, sur le terrain, j’ai découvert
que les enfants ont su engager le dispositif proposé
vers des pistes autres que celle de la communication pédagogique.
Des actes cinématographiques, même embryonnaires ;
se sont exprimés où deux genres narratifs, propres
au cinéma, ont vu le jour : le fantastique et
le naturalisme (ici amoureux). Cependant certains films vus
ne sont, hélas, que la caricature pathétique
de l’univers télévisuel commercial, où
l’enfant n’est là que pour singer un geste d’adulte.
L'obscénité (celle qui fait de l’humain une
chose jetée en pâture à la face de l’autre….)
affleure lorsqu’une classe entière est embrigadée
dans la conception d’un clip musical à la gloire d’Henri
Dès (j’avoue ici mon écœurement musical). Il
s’agit ni plus ni moins d’un rapt d’enfance au nom d’un genre
ultra codé (le clip). En aucun cas il n’a pu être
imaginé et créé par un groupe d’enfants,
de par sa facture qui demande une maîtrise professionnelle
du genre et du découpage filmique.
Deux systèmes narratifs
importaient aux gamins : se faire peur et / ou rêver
– le fantastique et raconter des histoires d’amour – le naturalisme.
D’un côté, le cinéma américain
version gore (nombreux courts-métrages de morts-vivants,
sorcières, disparus) ou burlesque (le monde à
l’envers, le délire visuel de l’animation, la poésie
surréelle) et de l’autre Jean Renoir et la Nouvelle
Vague (les potes, l’amour, le travail). Une filiation, certes
un peu poussée, mais congruente où l’on constate
que nous sommes à jamais taraudés par nos espérances
de vies (l’autre) mais aussi nos démons de la nuit
(nos cauchemars).
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