Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
La Rochelle (c) D.R. LA ROCHELLE 2002
Compte-rendu
Par Marc LEPOIVRE


Le festival du film de La Rochelle continue sur sa lancée après le remplacement de son fondateur Jean-Louis Passek par une équipe 100 % féminine, Prune Engler et Sylvie Pras. Situé pendant la période particulière et stratégique du début des grandes vacances, tout dans la ville, l’une des plus touristiques de France, est là pour nous le rappeler : l’agitation, le nombre de commerces et de restaurants, les animations, la foule des touristes (heureusement ils ne s’amassent pas tous au festival), précédant de quelques jours la grand-messe annuelle des Francofolies (qui évidemment attirera bien plus de monde), cette manifestation reste à taille humaine et dégage un parfum de décontraction, de " vacances ", une ambiance plutôt passionnée mais dénuée de toute pression (il n’y a pas de prix ici, juste des hommages).

  Gosses de Tokyo (c) D.R.
À la Rochelle, l’heure n’est pas à la querelle ! On honore Juliette Binoche et Karel Zeman, le cinéaste tchèque spécialiste de films d'animation. Les sélectionneurs se sont même arrangés pour donner satisfaction à tout le monde, en premier lieu aux deux grandes chapelles de la cinéphilie française représentées par Positif et Les cahiers : un hommage à Rosi pour le premier (cf. Le dossier Rosi par Michel Ciment), une rétro Sirk plutôt pour les seconds (qu’on se souvienne des articles délirants de JLG sur les mélos de Sirk). La vocation du festival n’est donc pas de montrer des nouveautés absolues, mais plutôt de faire le point sur l’année cinéphile, en reprenant une moisson de films projetés dans différents festivals (à commencer par celui de Cannes) dans le cadre d’une programmation nommée " Le monde tel qu’il est ". Occasion pour certains, dont moi, de rattraper les nombreux films manqués sur la Croisette.

À cet axe contemporain, s’ajoutent surtout de nombreux hommages et rétrospectives. À ce sujet, saluons tout de suite la magnifique programmation Trésors muets du cinéma japonais, qui permettait de découvrir de vraies raretés parmi lesquelles des perles. On y retrouvait les grands noms du cinéma classique japonais : Mizoguchi, Ozu et son superbe Gosses de Tokyo et deux splendides Naruse : Bon courage Larbin et Rêve de chaque nuit. Ce qui fait dire à Antoine de Baecque, sorte de chroniqueur officiel (Libé est partenaire) qu’il s’agit là d’un festival ultra cinéphile.

Playtime (c) D.R.
Dilemme redoutable et habituel dès qu’on arrive à un festival aussi fourni : que voir ? que choisir ? un Rosi, un Sirk un Sissako, un Mizogushi muet… ? Mon choix se porte sur le film projeté dans la grande salle de la coursive, qui fait office de palais du festival : Mon Oncle de Tati. Je ne prends pas de risque, mais après la projection de Playtime à Cannes, je suis particulièrement curieux de revoir ce film célèbre, qui le précède et l’annonce. En effet, il y a une continuité évidente entre les deux films, à travers le thème de la modernité et du développement technique. Simplement, en neuf ans, Tati a opéré un changement d ‘échelle : il passe du microcosme au macrocosme, du privé au collectif, de la cellule familiale à la ville-monde (le village global).

Mais Mon oncle a aussi un lien avec le film précédent, les vacances de M. Hulot, grâce au thème de l’enfance (exclue de Playtime). En effet, comme l’indique le titre, Mon oncle adopte le point de vue de l’enfance. M.Hulot est complice du petit Gérard de même qu’à la fin des Vacances, il reste sur la plage désertée en compagnie des enfants, ses seuls vrais compagnons. Il n’est lui-même qu’un grand enfant perdu au pays des adultes : rêveur, timide, flâneur. Mon oncle nous montre un personnage parfaitement inadapté au monde moderne en tant que monde du travail, des profits, de la réussite, du confort, de la respectabilité bourgeoise. M. Hulot est un chômeur magnifique, qu’on ne parvient pas à faire travailler normalement (De même dans Playtime, il cherche du travail et se rend a des entretiens). Au fond, cette part d’enfance est porteuse d’un sens politique discrètement subversif et contestataire, culminant dans une vision satirique et étonnée de la modernité.