Fondés en 1989 à l’initiative
de l’association Ardèche Images, les Etats Généraux
du Film Documentaire se sont imposés au fil des ans comme
un rendez-vous incontournable pour la chaîne de production
documentaire (auteurs, producteurs, diffuseur), mais aussi pour
l’amateur : universitaires, étudiants, critiques.
Élaborés comme une université d’été
autour du documentaire de création ( " C’est
bien le cinéma en premier lieu qui nous mobilise et que
nous aimerions convoquer ; tout en explorant ce qui aurait
" valeur documentaire "), Les Etats Généraux
constitue chaque année l’achèvement, et le renouveau
des activités développées par l’association
Ardèche Images.
|
|
 |
|
|
La petite commune de Lussas
est ainsi devenue l’épicentre d’un faisceau de structures
dévouées au cinéma documentaire comme
la Maison du Doc’ (centre de ressources du documentaire
d’Europe francophone réunissant bibliothèque,
vidéothèque, archives), ou encore le développement
d’activités de formation. " La nécessité
de s’investir dans la formation relève de l’engagement ",
comme l’annonce la brochure d’activités. Cette volonté
didactique s’exerce exemplairement par la mise en place d’un
DESS "Réalisation de Documentaire de Création "
en partenariat avec l’Université Stendhal de Grenoble.
Les travaux issus de cette formation furent ainsi présentés
en Ouverture, et au cours de séances spéciales.
Que tout cela prenne place dans un village ardéchois,
à peine desservi par le bus, relève d’une utopie
réalisée…
Cette 14e édition, dans ses thématiques
et ses rétrospectives, donna à penser la nécessité
dans laquelle se situe aujourd’hui le documentaire, et le
cinéma en général, d’inventer de nouvelles
démarches formelles coûte que coûte, afin
de poursuivre une réflexion sur la nature des images
dont l’inflation tend à se substituer complètement
au " réel ". C’est en tout cas
l’impression dessinée par une programmation qui s’orienta
globalement vers l’ouverture à des expériences
filmiques volontiers marginales, offertes au regard comme
autant de prototypes (la sélection Expérience
des Limites, entre-Deux)., et dans le défrichement
d’une " poétique documentaire "
par l’universitaire François Niney. Mais aussi en offrant
aux regards des démarches documentées élaborées
au sein d’un système contraignant, telle la télévision
publique (Way of Seeing de John Berger et Michael Dibb,
1972, réalisé pour la BBC, hommage à
Kevin Brownlow), ou, toute proportion gardée dans la
comparaison bien sûr, dans la censure permanente exercée
par un état totalitaire (hommage à Thomas Heise,
réalisateur de l’ex-RDA). La justesse de ton et la
lucidité critique offerte par l’expérience des
marges (esthétiques et économiques) rejoignit
ainsi le travail entrepris " de l’intérieur ",
et dont Tomas Heise constitue une sorte de parangon (plus
d’une dizaine de ses films furent détruits par la censure
d’état).
 |
|
|
|
On pourra s’étonner
de cet horizon d’analyse portant sur des questionnements esthétiques,
alors que les bouleversements historiques survenus en 2002
appelaient à priori à des questionnements plus
en phase avec l’actualité. Mais c’est précisément
dans la démarche réflexive entamée sur
son objet que les Etats Généraux définissent
les enjeux à venir pour le cinéma documentaire :
non plus tant interroger le réel au nom de présupposés
idéologiques et esthétiques tout aussi contestables
que les mécanismes qu’il entend travailler, mais s’interroger
sur les formes mêmes d’un discours, et en particuliers
d’un discours de résistance.
|