Quoi de plus naturel pour
Jean-Michel Roux, autodidacte du cinéma et passionné
de science-fiction, que de présenter son premier documentaire
lors de l’Etrange Festival, ce rendez-vous parisien d’adeptes
du Gore et autres déjantés ? Il s’y est déjà
fait connaître il y a quelques années pour ses
deux courts métrages fantastiques, La Voix du désert
et Trop près des dieux, ainsi que pour son premier
long, Les mille merveilles de l’univers.
La première projection publique du film, dans une salle
comble au Forum des Images, sera entrecoupée de rires
incrédules et suivie d’une série de questions
où le public s’est montré tantôt agressif,
tantôt admiratif.
Compte-rendu...
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Tout commence par une musique
vraiment space, électronique à souhait,
presque digne de Star Trek. Et puis on est catapulté
devant une brebis en train de mettre bas, aux premières
loges. Sang, liquide amniotique, mains extirpant le museau
collé du petit animal, bêlements affolés
de la mère, tout y est. Rien de mystérieux,
rien d’invisible jusqu’à présent. Ce serait
plutôt le contraire…
En tout cas, c’est sûr, nous sommes dans un monde rural,
et l’on ne s’étonne pas de voir un fermier parler à
la caméra. Quoique ce fermier-là ne parle pas
de récoltes ou de ses moutons. Non, sa première
confidence, tout de go, est celle-ci : " Quand
j’étais petit, je jouais avec des elfes et des gens
morts ", dit-il le plus sérieusement
du monde.
Sa placidité est déconcertante : " Mes
fils jouent aussi avec des êtres invisibles. D’ailleurs
mes six enfants sont tous voyants. " Ce premier
témoignage déconcerte et donne le ton du film,
avant même le générique. A priori j’aime,
au moins ça promet. Mais dès le début,
un léger malaise, qui persistera tout au long du documentaire :
certains témoignages sont peu crédibles, soit
par leur côté franchement loufoque, soit par
les choix de mise en scène pris par le réalisateur,
qui a pourtant assuré avant la projection qu’il ne
s’agissait pas d’un docu-fiction ou d’un faux documentaire.
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L’aplomb du fermier pourrait
faire penser que c’est un acteur, et il est clair que les
confidences de la plupart des intervenants ont été
soigneusement préparées, y compris leurs mouvements
face à la caméra. Un certain passage montrant
deux hommes face à l’estuaire où plusieurs habitants
ont dit avoir vu des monstres aquatiques m’a particulièrement
dérangée, lorsqu’il est évident que le
deuxième personnage a reçu la consigne de rester
à l’arrière-plan pour ne se rapprocher et délivrer
sa phrase qu’après le témoignage du premier…
Ce sont des détails, mais lorsque plusieurs spectateurs
ressentent tous le même malaise, c’est tout le film
qui perd de sa crédibilité.
Tout de même, Jean-Michel Roux surprend par la hardiesse
de sa caméra, et clôt cette première séquence,
dite du fermier ‘elfophile’, avec un gros plan d’une beauté
impressionnante sur l’œil de son sujet, débouchant
de l’autre côté de la rétine sur l’immensité
de l’espace galactique.
On ne manque pas de remarquer le procédé de
saturation de l’image, créé par le chef opérateur
Jean-Louis Vialard, qui peut être séduisant.
Mais en fait il devient rapidement dérangeant, parce
qu’il provoque un effet de surexposition rappelant parfois
certains mauvais films américains. Cela donne une apparence
illuminée qui n’aide pas à établir
la crédibilité du document.
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