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The One Armed Swordman (c) D.R. CHEFS D’ŒUVRE
DU CINEMA DE HONG KONG


Du 30 nov. au 22 déc. 2002
Cinémathèque Française, Paris
Par Yves GAILLARD


Après le coup d’envoi lancé l’an dernier par le Festival des 3 Continents de Nantes (où furent présentés des films comme Golden Swallow ou The One Armed Swordman de Chang Cheh), puis avec la présentation au dernier festival de Cannes de la copie restaurée de Come drink with me (1967) de King Hu, les liens de plus en plus étroits noués entre institutions du cinéma français et hong-kongais se réalisent aujourd’hui dans une rétrospective proposée par la Cinémathèque Française, " Chefs d’œuvres du cinéma de Hong Kong ".


  Blood Brothers (c) D.R.

Cette rétrospective fait suite aux rebondissements récents du " feuilleton Shaw Brothers ". Cette compagnie mythique, dont les droits d’exploitation des films étaient bloqués depuis plus de trente ans, fut la productrice des plus grands du cinéma hong kongais classique, de King Hu à Liu Chia Liang en passant par Ho Meng Hua ou Chang Cheh. Dès lors, la décision inespérée du vénérable tycoon Run Run Shaw de mettre aux enchères une partie du catalogue de sa compagnie en vue d’une édition DVD, clôtura une attente qui semblait devenue vaine après tant d’années. Ce catalogue, acquis majoritairement par la compagnie hong kongaise Celestial Pictures, et dont le contenu exact et les modalités (uniquement vidéo et dvd, droits TV, salle ?) restent encore flous, s’annonce cependant comme représentatif de la richesse d’une production qui effeuilla tous les genres, du mélodrame au kung-fu. À noter que Celestial Pictures lance d’autre part une politique de restauration de prestige, avec par exemple Come drink with me, ou Blood Brothers de Chang Cheh, ce dernier étant présenté pour la première fois en France à la Cinémathèque.

Cette cession de droits constitue un événement majeur dans le double rapport, marqué encore aujourd’hui au sceau du conservatisme, qu’entretiennent les détenteurs asiatiques à leur patrimoine cinématographique et à sa diffusion sur les marchés mondiaux. Et ce, malgré l’accession au titre de valeurs sûres en Occident, des cinéastes comme Tsui Hark, ou de stars comme Jet Li, la nouvelle coqueluche des vidéoclubs.

Tandis que la sortie DVD se fait encore attendre, et en deçà d’une situation autant économique que politique en pleine évolution, l’accession progressive au patrimoine du cinéma hong kongais se traduit pour l’amateur par la possibilité, jusque-là inespérée, d’appréhender ce cinéma dans une perspective historique, jusque-là rendue impossible par une distribution (du moins en France) en pointillé.

Jet Li (c) D.R.

Organiser une rétrospective du cinéma hong kongais " classique ", période s’étendant de la fin des années 60 au milieu des années 70, c’est d’autre part confronter à nouveau le public parisien à un genre qui connut son heure de gloire dans les salles d’exploitation il y a une trentaine d’années. Succédant au western Italien, voisin du porno sur les devantures des cinémas de quartier, le kung-fu et le Wu Xia Pian (c’est-à-dire le " film de karaté " ainsi que le nommait les bulletins des spectacles de l’époque) constituèrent les derniers filons d’une exploitation fondée sur un renouvellement constant des genres, avant l’extinction de ce système au début des années 80. De l’été 1973 à décembre 2002, il aura fallu presque trente ans pour que La Rage du Tigre passe du Rex et de l’Hollywood Boulevard à la salle " Grands Boulevards " de la Cinémathèque, et qu’après le cinéma de genre européen, Hong Kong trouve officiellement sa place dans le patrimoine cinématographique mondial. Espérons que cet évènement ne restera pas solitaire, et que sa dimension de prestige concourt un peu plus à la reconnaissance de ce cinéma encore confidentiel, jusque-là cantonné dans les réseaux de distribution parallèles.

Par son intitulé même ( " Chefs d’œuvre du cinéma de Hong Kong "), cette rétrospective ne s’offre pas comme une entreprise exhaustive, visant à épuiser une cinématographie considérée, à juste titre, comme une mine d’or pour cinéphiles curieux. Une précaution oratoire qui prévient d’emblée nombre de critiques. Ainsi, privilégier Chang Cheh plutôt que le nihilisme lucide d’un King Hu ou d’un Liu Chia Liang, c’est asseoir le caractère subjectif du choix de ces chefs d’œuvres, et opter ainsi pour une reconduction de l’image d’un cinéma hong kongais plein de bruit et de fureur. Une image forgée dans le nouage inextricable des parti pris de la critique et des goûts volontiers versatiles du public d’amateurs actifs.