Le choix de privilégier parmi
tous l’œuvre de Chang Cheh - le programme peut d’ailleurs se
voir comme un hommage à peine déguisé à
ce cinéaste, mort en début d’année - poursuit
ainsi une vision du cinéma HK comme lieu cardinal d’une
esthétique de la fureur et du grotesque. Les liens avec
le " cinéma bis " européen,
notamment italien, s’en trouvent renforcés; au détriment
cependant d’œuvres qui fondent le véritable classicisme
hong kongais, et s’incarnant exemplairement en deux cinéastes,
Liu Chia Liang et King Hu. Que leurs œuvres soient nettement
sous-représentées dans cette programmation pose
la question du rapport qu’entretient le milieu cinéphile
(au sens large : critique, programmateur, public et lecteurs)
au cinéma hong kongais ; et par là, au cinéma
" de genre ", au cinéma tout court,
tant le cinéma de Hong Kong s’impose comme un objet particulièrement
recherché aujourd’hui.
Quelque part entre respect
de " classiques " intouchables, mais dans
l’oubli des raisons de leur accession à ce statut,
et recherche d’une re-lecture hédoniste de l’histoire
du cinéma par ses marges, la démarche cinéphile
qu’exemplifie la Cinémathèque Française
court le risque de la dilution, et d’un renforcement accru
d’une élitisation du cinéma, en faisant l’économie
d’une perspective historique voire chronologique.
Elle n’est en cela que l’écho d’une critique défaite.
Ainsi, que les textes représentatifs de l’approche
contemporaine du cinéma de Hong Kong soient d’un côté
l’approche universitaire (l’étude figurative menée
par Nicole Brenez sur The Blade) et de l’autre, une
constellation critique où la rigueur côtoie la
reconduction des pires banalités, en dit long sur l’état
alarmant d’une cinéphilie à deux vitesses.