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Panorama du cinéma japonais des années 80 et 90 (c) D.R. PANORAMA
DU CINEMA JAPONAIS
DES ANNEES 80 ET 90

Cinquante auteurs, cinquante films

A partir du 28 janvier 2003
Maison de la culture du Japon
Paris


Le paysage cinématographique des années 80 et 90 peut se résumer en deux mots : mort et renaissance. C’est d’abord la mort d’un système de production, celui des grands studios des majors, qui avaient fait l’âge d’or du cinéma japonais dans les années cinquante et soixante en révélant au monde entier l’art de Mizoguchi, de Kurosawa et d’Ozu. C’est ensuite celui d’une renaissance, ou plutôt une " réorganisation " de l’industrie du cinéma par des producteurs et des réalisateurs indépendants après le grand vide créé par la faillite des majors. En effet, " Renaissance " est un mot chargé d’une connotation nostalgique qui laisse penser qu’un nouvel âge d’or pourrait bientôt renaître au Japon. Si on a pu parler d’un " art " Mizoguchi et d’un " art " Kurosawa (Akira), il est plus juste de parler de " style " Kitano et de " style " Kurosawa (Kiyoshi) pour citer les deux cinéastes japonais les plus marquants des années 90. Car la nouvelle donne économique a profondément changé la manière même de faire du cinéma au Japon : les studios (Toei, Tôhô, Shôchiku) qui ont survécu à la faillite et à l’influence de la télévision n’engagent plus d’apprentis-réalisateurs. La génération d’Ozu, Mizoguchi, Kurosawa, et même encore celle d’Oshima, Imamura et Kenji Misumi avaient eu l’énorme avantage d’apprendre la pratique du cinéma avec des réalisateurs de renom et ils leur suffisaient d’une dizaine d’années en tant qu’assistant-réalisateur pour qu’il leur soit offert, automatiquement, la possibilité de devenir metteur en scène. D’autre part, l’économie de moyens qui caractérise le système actuel ne permet plus la réalisation de superproductions historiques - les " jidaigeki " qui constitue pourtant plus de la moitié du répertoire, ce qui est une des grandes particularités du cinéma japonais - à la manière des " 7 samourais " ou des " Contes de la lune vague ". Kurosawa en 1980 persiste et signe dans son art de la grande fresque épique avec " Kagemusha ". Mais Kagemusha est produit par Hollywood. De même, " Furyo ", autre film à grand budget d’Oshima est produit par un Français. Trahis par les majors de leur propre pays, Oshima et Kurosawa sont même affublés en Occident du titre " d’Empereur sans empire ".

Ainsi, le courant intimiste qui domine actuellement la production du cinéma d’auteur, caractérisé par un style dépouillé et qui traite essentiellement de la famille, du couple ou de l’adolescence - Shinji Sômai " Bienvenue à Tôkyô ! 1990", Makoto Shinozaki " Okaeri " / 1995, Kichitarô Negishi " conjugalité " / 1997), Koreeda Hirokazu (" After Life " / 1999) ne doit pas être attribué seulement aux préoccupations nouvelles des jeunes cinéastes dans une société japonaise en pleine mutation. Il est aussi le résultat d’une fatalité économique. Il est incontestable que le manque de moyens, les équipes réduites à leur plus simple expression (les cinéastes indépendants sont en même temps producteurs et scénaristes) japonais freine les ambitions de beaucoup qui subviennent à leurs besoins par la pub et le documentaire télévisé. Pourtant nombre de jeunes réalisateurs japonais rêvent toujours de produire un jour leur " Musashi " à la manière d’Uchida ou d’Inagaki, deux grands auteurs de l’âge d’or des studios. Le cinéma japonais d’aujourd’hui est bel et bien amputé d’une de ses composantes essentielles, le Jidaigeki, véritable assise culturelle et identitaire.

L’industrie cinématographique japonaise des années 80 est donc l’histoire d’un désastre au niveau de la production : les majors qui avaient fait l’âge d’or du cinéma japonais (Kurosawa à la Tôhô, Mizoguchi à la Daei, Ozu à la Shôchiku) ne sont plus capables de produire ni de former des réalisateurs. Les trois sociétés rescapées de la crise (Tôei, Shôchiku, Tôhô) ne produisent plus que 24 films en 1986. Le reste de la production, soit 80%, autre symbole de la crise, est fait de films érotiques appelés " pink movie " ou " roman-porno ". Il faut remonter jusqu’aux années de la guerre pour retrouver pareil désastre. En moins de 25 ans, l’influence de la télévision et la chute vertigineuse de la fréquentation ont tué le système des studios. Les majors produisaient 520 films en 1961 et presque autant en 1940 à la veille de Pearl Harbour. Par deux fois dans son histoire, le Japon a été la deuxième puissance cinématographique après celle d’Hollywood. En 1980, la production est devenue quasiment nulle. C’est une crise d’une ampleur sans précédent que même les pays occidentaux n’ont pas connue. Le cinéma japonais semble mort, la nouvelle génération n’est pas au rendez-vous. Les Palmes d’Or remportées à Cannes par " Kagemusha " (1980) et la " Ballade de Narayama " (1983) - un film qui révèle un réalisateur de la Nouvelle Vague, Imamura – montrent qu’en 1980, c’est l’ancienne génération, celle qui a fait l’âge d’or des années 50–60 Kurosawa, ou les maîtres de la Nouvelle Vague japonaise Oshima et Imamura qui sont les ambassadeurs du cinéma japonais dans les festivals mondiaux.