Le festival d’Amiens est, 
                    dit-on, le deuxième festival français le plus 
                    connu aux Etats-Unis, après Cannes. Vraie ou pas, force 
                    est de reconnaître que Amiens se fait le refuge, le 
                    temps d’une quinzaine, de l’intelligentsia des cinéastes 
                    et critiques américains parmi les plus respectés. 
                    Difficile de ne pas résister au jeu du carnet mondain, 
                    lorsqu’il fut possible de croiser Monte Hellman, Tag Gallagher 
                    ou encore le rare Curtis Harrington dans les couloirs du festival. 
                     
                     
                    Mais au-delà de l’assouvissement heureux de la curiosité 
                    du badaud du cinéma (Monte Hellman, je le voyais plus 
                    grand…), c’est par son ouverture d’esprit résolvant 
                    la contradiction apparente existant entre une américanophilie 
                    passionnante dans ses re-découvertes, et une attention 
                    au monde exigeante, que le festival d’Amiens s’est imposé 
                    au fil des saisons comme un lieu de plaisirs cinéphiliques 
                    unique dans le paysage des festivals français. Ainsi 
                    le festival se caractérise aussi par son exploration 
                    persistante du cinéma africain, comme en témoigne 
                    un partenariat solide noué avec le Fespaco panafricain. 
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                  ULMER 
                     
                     
                  
                     
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                  Pour sa 22e 
                    édition, le Festival d’Amiens témoignait à 
                    nouveau de la constance de ses objets aimés, en proposant 
                    un hommage, d’une quasi-exhaustivité bienvenue, rendue 
                    à " l’œuvre " d’Edgar G. Ulmer. 
                    3e hommage rendu en 15 ans d’existence, au " Prince 
                    de la série B ", l’effort force le respect, 
                    à défaut de convaincre de l’importance du travail 
                    d’Ulmer. 
                     
                    Homme de théâtre allemand, étoile montante 
                    à son arrivée aux Etats-Unis mais dont la carrière 
                    fulgurante au sein des studios fut brisée net par une 
                    maladresse amoureuse, Ulmer est un cinéaste errant, 
                    ayant œuvré aux confins du cinéma - itinéraire 
                    à rebours- et toujours dans des conditions de tournage 
                    extrêmement difficiles. La vie de cinéma pléthorique 
                    de cette figure romantique du panthéon macmahoniste 
                    recèle ainsi des arborescences historiographiques d’où 
                    il est difficile de démêler la mythomanie bien 
                    connue de Ulmer et la réalité. 
                     
                    De la filmographie de Ulmer "l’outcast " se 
                    sont longtemps détachés quelques titres, guère 
                    plus d’une demi-douzaine, où scintille le véritable 
                    diamant noir qu’est Detour, étude de la lâcheté 
                    humaine d’une lucidité qui confine au désespoir 
                    le plus absolu, en même temps qu’emblème de la 
                    série " B " comme forme épurée 
                    du cinéma hollywoodien. Ainsi son Black Cat 
                    (1931), qui reste le film Universal le plus étonnamment 
                    moderne de la série, tant la théâtralité 
                    inhérente à la série est travaillée 
                    par une vision du monde à la barbarie glacée, 
                    entre art déco et empreintes des horreurs de la guerre. 
                     
                     
                  
                     
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                  Grâce à 
                    l’investigation patiente du festival d’Amiens, des trouvailles 
                    modestes déployèrent un peu plus le talent d’artisan-" miniaturiste " 
                    de Ulmer (pour reprendre un mot de Jacques Lourcelles), où 
                    l’influence de son maître Murnau et les références 
                    persistantes à la culture européenne classique 
                    font écho tout au long de son travail. Ainsi de Strange 
                    Illusions, film d’enquête où l’argument psychanalytique 
                    se teinte de références appuyées à 
                    Hamlet. Cependant, l’auteurisation de Ulmer, à l’heure 
                    où ce concept a déjà fait bien des ravages 
                    dans l’appréhension du cinéma classique, reste 
                    encore une hypothèse que la réalité des 
                    films tend à infirmer. 
                     
                     
                     
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