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22e Festival International du film d'Amiens (c) D.R.

22e FESTIVAL INTERNATIONAL
DU FILM D’AMIENS


8 au 17 novembre 2002
Amiens

Par Yves GAILLARD


Le festival d’Amiens est, dit-on, le deuxième festival français le plus connu aux Etats-Unis, après Cannes. Vraie ou pas, force est de reconnaître que Amiens se fait le refuge, le temps d’une quinzaine, de l’intelligentsia des cinéastes et critiques américains parmi les plus respectés. Difficile de ne pas résister au jeu du carnet mondain, lorsqu’il fut possible de croiser Monte Hellman, Tag Gallagher ou encore le rare Curtis Harrington dans les couloirs du festival.

Mais au-delà de l’assouvissement heureux de la curiosité du badaud du cinéma (Monte Hellman, je le voyais plus grand…), c’est par son ouverture d’esprit résolvant la contradiction apparente existant entre une américanophilie passionnante dans ses re-découvertes, et une attention au monde exigeante, que le festival d’Amiens s’est imposé au fil des saisons comme un lieu de plaisirs cinéphiliques unique dans le paysage des festivals français. Ainsi le festival se caractérise aussi par son exploration persistante du cinéma africain, comme en témoigne un partenariat solide noué avec le Fespaco panafricain.



ULMER

  22e Festival International du film d'Amiens (c) D.R.

Pour sa 22e édition, le Festival d’Amiens témoignait à nouveau de la constance de ses objets aimés, en proposant un hommage, d’une quasi-exhaustivité bienvenue, rendue à " l’œuvre " d’Edgar G. Ulmer. 3e hommage rendu en 15 ans d’existence, au " Prince de la série B ", l’effort force le respect, à défaut de convaincre de l’importance du travail d’Ulmer.

Homme de théâtre allemand, étoile montante à son arrivée aux Etats-Unis mais dont la carrière fulgurante au sein des studios fut brisée net par une maladresse amoureuse, Ulmer est un cinéaste errant, ayant œuvré aux confins du cinéma - itinéraire à rebours- et toujours dans des conditions de tournage extrêmement difficiles. La vie de cinéma pléthorique de cette figure romantique du panthéon macmahoniste recèle ainsi des arborescences historiographiques d’où il est difficile de démêler la mythomanie bien connue de Ulmer et la réalité.

De la filmographie de Ulmer "l’outcast " se sont longtemps détachés quelques titres, guère plus d’une demi-douzaine, où scintille le véritable diamant noir qu’est Detour, étude de la lâcheté humaine d’une lucidité qui confine au désespoir le plus absolu, en même temps qu’emblème de la série " B " comme forme épurée du cinéma hollywoodien. Ainsi son Black Cat (1931), qui reste le film Universal le plus étonnamment moderne de la série, tant la théâtralité inhérente à la série est travaillée par une vision du monde à la barbarie glacée, entre art déco et empreintes des horreurs de la guerre.

Black Cat (c) D.R.

Grâce à l’investigation patiente du festival d’Amiens, des trouvailles modestes déployèrent un peu plus le talent d’artisan-" miniaturiste " de Ulmer (pour reprendre un mot de Jacques Lourcelles), où l’influence de son maître Murnau et les références persistantes à la culture européenne classique font écho tout au long de son travail. Ainsi de Strange Illusions, film d’enquête où l’argument psychanalytique se teinte de références appuyées à Hamlet. Cependant, l’auteurisation de Ulmer, à l’heure où ce concept a déjà fait bien des ravages dans l’appréhension du cinéma classique, reste encore une hypothèse que la réalité des films tend à infirmer.