ENTRE
VUES 2002 Festival International
du Film Belfort
Par
Bernard PAYEN
On ne transigera pas.
Le Festival International du Film de Belfort, appelé
aussi judicieusement Entre Vues, est devenu au fil des ans
une référence incontournable pour la cinéphilie
moderne et décomplexée, celle qui continue de
s’emporter pour un court-métrage portugais muet de
dix minutes tout en s’abandonnant, rêveur, à
la vision mélancolique d’un classique du cinéma
soviétique. La tendance s’est même confirmée,
voire amplifiée avec l’arrivée il y a deux ans
d’un nouveau grand manitou, Bernard Benoliel, pour succéder
à Janine Bazin, créatrice du festival. Entouré
de sa garde rapprochée sélectionneuse (Frank
Beauvais et Dominique Marchais), " Initials BB "
(comme l’ont déjà surnommé certains spectateurs
malicieux) a réussi le savant cocktail d’une programmation
pointue, avant-gardiste par moments (compétition),
tout en restant éminemment populaire (hommages aux
acteurs Denis Lavant, Béatrice Dalle et un inattendu
succès public pour la rétrospective des films
du groupe Medvedkine).
Compte-rendu de quelques
films vus au Cinéma des Quais, nouvel espace de projection
cinématographique pour Entre Vues et premier multiplexe
pour Belfort.
LONGS METRAGES
DE FICTION
Froid comme l’été de Jacques Maillot
Produit par Magouric
et coproduit par Arte qui compte le diffuser en février
2003, Froid comme l’été est le second
long métrage de Jacques Maillot, dont le précédent
film, Nos vies heureuses, avait consterné les
uns et enchanté les autres. Rachel vit seule avec sa
fille de dix-huit mois en banlieue parisienne. On s’aperçoit
très vite que quelque chose ne va pas dans la vie de
cette jeune femme d’une vingtaine d’années. Le quotidien
l’ennuie, elle n’arrive plus à trouver un sens à
sa vie. La présence de son enfant l’exaspère,
pire l’indiffère. Un jour, elle rencontre un homme,
part avec lui, laissant sa fille enfermée chez elle,
qui meurt deux jours plus tard. Histoire d’une désinvolture
virant à l’infanticide.
La première partie du film trouble par son mélange
audacieux de sensualité et de morbidité. Les
réactions nerveuses et presque violentes de Rachel
envers son enfant nous font pressentir le pire. Un suspens
poisseux assez prenant se met alors en place. La deuxième
partie, plus convenue, approfondit le personnage de l’enquêtrice
(Nathalie Richard) qu’on suit en parallèle dès
le début du film, et fait apparaître une nouvelle
protagoniste : Cécile (Mika Tard), une jeune routarde
qui s’amourache de Rachel et l’embarque dans son périple
méditerranéen. Ne reste alors plus qu’à
Jacques Maillot, dont la qualité est de ne pas juger
ses personnages, de dénouer avec prévisibilité
les fils de son intrigue. Egarée de la vie, Rachel
est un personnage qui échappe au carcan du récit.
Jouée avec beaucoup de subtilité par Sarah Grappin
(révélée par Corneau dans Le nouveau
monde), cette jeune femme nous hantera bien longtemps
après la vision du film, tant son mystère n’est
jamais totalement dévoilé.