Prix
du Public : Poupées d’argile de Nouri Bouzid (Tunisie)
Un très joli film qui nous emporte
dans un tourbillon de sentiments allant de la colère à la
compassion en passant par le rire, et que sous-tend une poétique
de la révolte un rien désabusée. A l’instar de Petites
histoires, on pourrait lui reprocher certaines facilités
(ici, ce n’est pas avec un grand-père, mais avec une petite
fille qu’on émeut), mais ce serait vraiment sévère, tant elles
sont transcendées par la force des acteurs (dont la petite
fille), la poésie du film et l’énergie d’ensemble. Cette énergie
communicative a emporté l’adhésion du public, qui a sans doute
aussi été séduit par l’humour du réalisateur et la beauté
des acteurs principaux.
Ont donc été « oubliés »
Mars Canonde Kazama Shiori (Japon) : un film magnifique, paisible
et drôle, traitant de la solitude et du besoin de l’Autre
à travers de très beaux personnages, et qui méritait certainement
une récompense.
Vladimir à Buenos Aires de
Diego Gachassin (Argentine) : une plongée dans
le milieu des immigrés russes en Argentine, derrière laquelle
on sent un travail documentaire et une énergique envie de
filmer, mais plombée par quelques tics de mise en scène,
tant à l’image qu’au son, et par une fin peu convaincante.
Washington Heights d’Alfredo
de Villa (Etats-Unis) : le réalisateur a des choses
à dire sur sa communauté et serait prometteur s’il n’était
écrasé par l’American way of writing : son ouvrage,
filmé comme un pseudo-documentaire ethnique, est truffé
de « trucs » de scénaristes hollywoodiens et de
dialogues conventionnels. C’est dommage car la chaleur latina
latente ne demandait qu’à exploser ce carcan américain :
si le film parle aussi de l’intégration, sa forme nie l’exception
culturelle latine…
Le Serviteur de Kali d’Adoor
Gopalakrishnan (Inde) : ce film présenté à Venise
s’interroge sur la liberté individuelle face au pouvoir
de la société, à travers l’histoire d’un bourreau qui ne
veut plus exercer son métier. Si l’œuvre prend son temps,
elle touche par la force de sa structure pourtant bancale
(la deuxième partie du film consiste en une mise en images
de l’histoire que raconte un soldat à un bourreau), la puissance
émotionnelle de son récit et la beauté époustouflante des
images (soit dit en passant, c’est le seul film présenté
à utiliser le format «large » 2,35). Le Serviteur de
Kali est le grand oublié du palmarès.
Le jury était composé de :
Christine Laurent, scénariste française (pour
Jacques Rivette, entre autres), Leonor Baldaque,
actrice portugaise (chez Manoel de Oliveira, par
exemple), Michel Braudeau, écrivain français,
Mario Dondero, photographe italien, Gerard Huisman,
distributeur hollandais et Thaddeus O'Sullivan,
réalisateur irlandais.