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47e Festival International de Valladolid (c) D.R; 47e FESTIVAL INTERNATIONAL
DE VALLADOLID


Espagne, Valladolid



Par Nadia MEFLAH


DE LA MORALE EN TOUTE CHOSE

Valladolid en Espagne ou le sérieux respectueux d’une terre (la Castille) qui porte et arbore tout le poids (historique et symbolique) de son passé par ses nombreuses églises et monuments restaurés. Quarante septièmes éditions d’un festival à la fois rigoureux et concis dans sa capacité à ne point céder sur l’artificiel promotionnel (le strass chic et choc n’avait pas sa place, même si parfois il s’avère agréable quand il n’occupe pas tout le champ du visible) pour privilégier une cinématographie en prise avec le monde. La soirée d’inauguration a donné le la dans ses intentions mais aussi ses attentes avec la projection du film de commande 11’09’’ 01. Ou comment le cinéma se doit de transmettre des éléments de réponses à un état du monde qui ne va pas. Il y a là un devoir assez terrible assigné aux cinématographies transformées en slogans humanitaires à l’échelle mondiale. Pourtant, c’est une belle idée que d’aller demander le geste singulier du cinéaste, une commande d’amour du et pour le cinéma où l’on reconnaît les puissances de cet art industriel. Nombres de cinéastes se sont engagés au nom d’une idée (que ce soit Chaplin pour l’effort de guerre aux U.S.A en 1917 avec The Bond ou Nicolas Philibert avec le Collectif des Sans Papiers en 1996.) L’histoire du cinéma peut se lire sous cet angle de la commande et de la propagande et Eisenstein restera à jamais le cinéaste de l’humaine condition (une pensée charnelle dans tout son cinéma) avant tout et non uniquement le chantre d’une idéologie.

  11'09'' 01  (c) D.R.

Or, à Valladolid, à coté d’œuvres d’exception tel Le Fils des frères Dardenne, Rachida de Yamina Bachir-Chouikh ou le dernier film du tandem Guédiguian Ascaride Marie-Jo et ses deux amours, peu de geste de cinéma dans ce que proposait la sélection officielle mais de la pédagogie où les salles de cinéma sont considérées comme autant d’urnes citoyennes. Le film pédagogue d’une conscience claire civique, véhiculant les meilleurs intentions du monde, a le vent en poupe, où la naïveté du propos l’emporte sur les puissance du cinéma. Il faut du réconfort et l’enfant sera toujours le porteur du rêve et de l’innocence (le gamin surdéterminé d’Ultimo Tren de Diego Arsuaga, prix de la première œuvre Pilar Miro, prix du meilleur acteurs pour ses trois comédiens Federico Luppi, Hector Alterio et José Soriano). Des papys héros (version latine machine à vapeur de l’opus eastwoodien étoilé Space Cowboy) de cette aventure charmante de la lutte d’un idéal contre la mondialisation incarnée par un jeune homme d’affaire hollywoodien. Une révolution de notre temps : à la fois douce (contre sens terrible) nostalgique et déjà vaincue.  Larry Clark milite aussi pour une émancipation du corps, totalement vampirisé par la cellule familiale, l’horreur par excellence chez lui. Ken Park son dernier film tombe comme une jeune fille mal troussée à qui on aurait promis monts (la liberté) et merveilles (les plaisirs) et qui ne découvre pour la énième fois que quelque chose de commun, banal voire réactionnaire (le jeune toujours beau, l’adulte toujours le vieux con largué quand il n’est pas violeur…) Quelques éclats surgissent du jeu de ses comédiens, notamment le jeune punk Shawn (interprété par James Ransone) Le fil rouge de la pensée est si lisse, évident, et conventionnel que l’on tente en vain de dénicher quelques éclats. Oublions l’autre summum du ridicule avec le dernier film australien de Rolf de Heer The Tracker, tentative ratée d’une filiation baroque – abus d’une musique redondante histoire d’enfoncer plus encore les clous, inefficace emploi de la picturalité « kitschisant »(barbarisme assumé) tout le film voulant se réclamer de Leone. Raté.

Le pire fut atteind avec l’abominable film Ararat d’Atom Egoyan. Point limite boursouflé du système cinématographique du cinéaste (la mise en abîme, la distanciation réflexive, l’image de l’image comme vecteur d’une mémoire parcellaire, le secret derrière la porte en somme) son dernier film s’effondre dès lors que la représentation de l’horreur et la barbarie d’un régime (les Turcs coupables de génocide envers les Arméniens) est placée sous le seul et évident signe du règlement de compte. Lorsque l’argument esthétique et politique du cinéaste consiste à dire que fils de et père de, il y a là une limite certaine ; non pas celle de l’impudeur. Même pas, car de cela, le cinéaste n’en a pas le courage (tel Elia Suleiman par exemple avec Intervention divine.) La limite se situe du côté de la pauvreté formelle qu’exige cet appel de la mémoire et de la transmission. Les bonnes intentions louables du cinéaste accouchent d’un film bête, empêtré d’imageries déjà vieilles (notamment les scènes de reconstituions tout comme celle du plateau de cinéma) et de personnages plombés des intentions humanistes d’Egoyan. A oublier.