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La Pègre s'empare du forum des images (c) D.R. LA PÈGRE S’EMPARE
DU FORUM DES IMAGES



Par Jean-Michel WINGERTSMANN


Les vrais gangsters n’ont rien à dire, ils agissent.

Le Forum des images à consacré un cycle à « la Pègre » au cinéma, à travers un panorama de 90 films de fictions et documentaires de différents pays et époques, du 26 mars au 27 mai 2003. 

Le cycle se décline en huit temps forts : « L’apprentissage du ‘métier’ », « La figure du gangster américain »,« Trafics de drogue », « Gangsters de rue et territoires », « Des femmes dans un univers d’homme », « Le film de yakusa »,« La lutte contre le crime organisé » et s’achève avec « La fin des mythes ».



  Little Caesar (c) D.R.

Aux Etats-Unis, depuis le XIXe siècle, de grands changements sont à l’œuvre dans l’organisation du crime, qui assurent le passage d’un artisanat du crime à son industrialisation. Par contraste avec cette situation de sous-culture criminelle, les formes de criminalité qui émergent dans les années 20 sont beaucoup plus violentes. Ces dernières confortent l’idée qu’il y a quelqu’un de sinistre qui travaille dans l’ombre, un « master mind» (1) qui planifie et organise toutes les activités. C’est alors qu’émerge le rôle de « l’entrepreneur » comme meneur de bande. Ces changements rendent l’underworld de moins en moins homogène.

Ce schéma de mutation de la pègre s’explique en grande partie par des évolutions plus larges au sein de la société américaine, l’urbanisation et l’industrialisation à grande échelle. Les changements sont dus pour certains à une baisse des valeurs morales, pour d’autres ils marquent la transformation de ces valeurs pour s’adapter à la société.

L’expression « organized crime » apparaît pour la première fois dans la Chicago Crime Comission de 1919. Elle désigne des criminels professionnels, estimés à 10 000 dans la ville. Le milieu de la pègre est moins représenté comme une communauté à part entière que comme un miroir de la communauté. Au plus noir de la Dépression, les films de gangsters du début des années 30 ont constitué le lieu d’expression des doutes et des réaffirmations du rêve américain. Le film criminel transforme l’image urbaine des années 30 et 40 en sombre paysage moral et métaphysique, et s’impose comme genre avec ses thèmes récurrents : délinquance forcée par la misère, lutte entre les gangs, ravage de l’alcool et de la drogue, corruption…

Scarface (c) D.R.

Le premier cycle du gangster film des années 30 présente une soixantaine de titres dont le scénario est quasi identique : l’ascension et la chute d’un gangster (irlandais ou italien) pendant la Prohibition. Trois films ont retenu notre attention critique : Little Caesar (Melvyn Le Roy,  1930) étrangement absent de la programmation, The Public Enemy (William Wellman, 1931) et Scarface (Howard Hawks, 1932) et constituent le canon du genre. Ils frappent par leur réalisme auquel le son (crépitement des mitraillettes, crissement des pneus) donne une dimension inédite et une esthétique « élémentaire » dont la Warner a fait son image de marque.

The Public Enemy est basé sur la biographie du gangster Earl Hymie Weiss et Scarface emprunte à une douzaine de « fait divers » du massacre de la Saint Valentin au meurtre de « Legs » Diamond. « Le cinéma a fortement contribué à façonner la mythologie du gangster tout-puissant, héros et modèle, personnage charismatique, inspiré de personnages réels, truands, qui furent en leur temps des ennemis publics, ou de romans policiers. » Le cycle met au premier plan une galerie de portraits de gangsters inoubliables (qu’ils aient existé ou non), campés par Robert de Niro (Casino, Goodfellas), Marlon Brando (The Godfather), Al Pacino (Scarface, The Godfather), Christopher Walken (King of New York), Mickey Rourke (Year of the dragon) ; chez les Français : Jean Gabin (Razzia sur la schnouf), Serge Reggiani (Le Doulos). Mais la journée du cycle consacrée à James Cagney confirme que s’il ne devait rester qu’une seule image du gangster américain, ce serait lui, dans Public Enemy. Personnage odieux présenté comme un archétype du cas social qui est pourtant capable de gestes doux, tirés de son enfance, envers sa mère.