DU
COURT AU LONG
Passons maintenant à la
catégorie des longs-métrages où, là encore, la sélection fut
particulièrement brillante puisqu’on peut d’ores et déjà parler
de chef-d’œuvre en ce qui concerne le brillantissime Reconstruction
de Christoffer Boe, qui raconte la descente aux enfers d’un
personnage prisonnier de ses chassés-croisés amoureux et qui,
un soir, abandonne sa petite amie dans le métro pour suivre
la belle et étrange Aimée qui lui ressemble comme deux gouttes
d’eau. Inutile d’en dire plus tant ce long-métrage, formellement
éblouissant et viscéralement substantiel, possède une grande
richesse thématique et maintient un suspense intense et terrible,
jusqu’à une révélation finale très ingénieuse. Le résultat
est explosif, curieux, novateur et très prometteur.
La sélection des longs-métrages se distingue également par
son éclectisme bienvenu : à mille lieues de l’univers tortueux
et déroutant de Reconstruction, Deux anges opte
quant à lui pour le minimalisme le plus complet et raconte
une histoire toute simple (à la suite d'une dispute avec
son père, Ali s'enfuit dans le désert où il entend pour la
première fois de la musique ; celle d'un berger qui joue du
Nêy. Sa vie en sera bouleversée), d’une légèreté déconcertante.
Les décors sont magnifiques, l’idée du scénario intelligente,
la musique envoûtante, mais le film semble refuser les ambiguïtés
et opte un peu trop facilement pour la naïveté. Les acteurs,
en roue libre, peinent à incarner des personnages pas forcément
caricaturaux mais juste dénués de profondeur.
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La bonne surprise n’est
donc pas à chercher du côté du cinéma iranien mais du côté
du Canada, dont le cinéma surprend par sa qualité et confirme
le talent de ses protagonistes (on évoquait, plus haut,
le cas de Dale Heslip dans la section courts). Excellente
nouvelle : 20h 17, rue Darling, polar ténébreux et
humain, parvient à réunir tous les éléments idoines pour faire
un bon film. Il raconte l’enquête d’un ancien journaliste
alcoolique qui, ayant bizarrement échappé à la mort grâce
à un lacet détaché, se pose des questions sur la vie et la
mort et tente d’en savoir plus sur les vies mystérieuses de
ces colocataires… Tout à la fois intrigant, inquiétant et
poignant, ce beau film pourrait être vu comme une conciliation
de trois grandes oeuvres qui ont récemment réjoui nos mirettes
de cinéphiles : tout d’abord, Une affaire privée (un
personnage enquête sur une affaire étrange à la résolution
absurde et rencontre pléthore de personnages secondaires);
Lantana (pour le rythme lancinant et le trouble de
certaines situations); et surtout De beaux lendemains (le
personnage principal médite sur la mort, l’acceptation d’un
sort et de son destin, et s’interroge sur la notion de rédemption).
Dense et subtil, ce 20h 17, rue Darling fait également
la part belle à des comédiens qui ont su mettre en valeur
leurs personnages avec une discrétion exemplaire.
A un tel niveau de compétition, les autres films (non cités
car pas vus) devaient certainement être de très belle facture.
Notons également la présence dans une section parallèle (la
révélation de l’année présentée par la Fipresci), l’émouvant
Oasis, qui narre la rencontre d’une handicapée et d’un
homme qui vient de sortir de prison, en ne faisant jamais
appel au démon larmoyant. Une histoire d’amour folle où les
deux amants secrets sont seuls contre une société intolérante,
rongée par des préjugés délétères (équivalent en moins cochon
d’Une adolescente, le joli premier film d’Eiji Okuda).
Le tout est teinté d’onirisme et doublé d’une réflexion sur
un sujet délicat et très peu abordé au cinéma : la sexualité
des handicapés (les récentes exceptions demeurent, entre autres,
Dance me to my song et Nationale 7).
Le film doit également beaucoup à ses deux comédiens : Sol
Kyung-gu et Moon So-ri, magistraux. Qu’on se rassure donc
: qu’il soit canadien, français ou coréen, le cinéma n’a décidément
pas fini de nous surprendre.
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SELECTION
2003
La sélection longs métrages
Entre ciclones d'Enrique Colina (Cuba-
115’)
Elle est des notres de Siegrid Alnoy (France-
100’))
Milwaukee, Minnesota d'Allan Mindel (Etats-
Unis- 95’)
Reconstruction de Christoffer Boe (Danemark-
89’)
Depuis qu'Otar est parti de Julie Bertucelli
(France/Belgique- 100’)
20h17, rue Darling de Bernard Emond (Canada-
101’)
Deux anges / Dex Fereshte de Mamad Haghighat
(Iran- 80’)
La sélection Courts
métrages
Maste d'Erick Rosenlund (Suède- 5’)
Belarra de Koldo Almandoz (Espagne- 10’)
Derrière les fagots de Ron Dyens
(France- 10’)
The truth about head de Dale Heslip (Canada-
12’)
Turangawaewae de Peter Burger (Nouvelle
Zélande- 13’)
Love is the law d'Eivind Tolas (Norvège-
6’)
La Petite Fille de Licia Eminenti (France-
19’48)
Les spéciales
Le parrain : Camarades
de Marin Karmitz (France- 80’)
Ouverture : Off The Map de Campbell Scott
(Etats-Unis- 111’)
Révélation du Fipresci : Oasis de
Lee Chang-dong (Corée du sud- 132’)
Documentaire : CONDOR : Les axes du mal
de R. Vasquez (France- 90’)
La semaine fete le court : Mercredi 21 et
jeudi 22 mai
Cloture : B. B. & Il Cormorano d'Edoardo
Gabbriellini (Italie-87’)
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