« J’ai d’abord été premier assistant réalisateur de
Kawashima, puis nous avons passé des jours et des nuits à
écrire ensemble des scénarios. Incontestablement, j’ai été
très influencé par lui. (…) L’ensemble de ces films est caractérisé
par le thème du grotesque. Il y a aussi chez lui quelque chose
qui serait comme un courant sous-jacent très pessimiste, très
sombre, sur la vie, même si cela n’apparaît pas au premier
plan. Si j’étais influencé par Kawashima, c’est plutôt par
ce qui apparaissait au premier plan le côté grotesque, drôle,
amusant, et je ne crois pas du tout être aussi pessimiste
que lui. » Imamura
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Après Uchida et Shimizu,
la MCJP est heureuse de vous présenter dans la série « les
maîtres méconnus », dix œuvres du réalisateur Kawashima
dont certaines inédites en France. Nous vous proposons, entre
autres, les quatre films qu’avaient suggérés Imamura à l’occasion
du Festival de Rotterdam en 1991 : Suzaki Paradaisu
– Akashingô/Le paradis de Suzaki (1956, un de ses films
les plus originaux), Bakumatsu Taiyôden/Chronique du soleil
à la fin d’ Edo (1957, une parodie d’un film historique
qui marque l’apogée de sa carrière), Onna Wa Nido Umareru/Les
femmes naîssent deux fois (1961) et Shitoyakana Kemono/L’élégance
de la bête (1962).
Kawashima n’est pas un incontournable comme Ozu, Mizoguchi,
Naruse ou Kurosawa, néanmoins son œuvre quoique inégale est
essentielle pour comprendre l’avènement de la « nouvelle
vague japonaise ». Son style marqué par le burlesque
et la frivolité est à contre-courant des mélodrames larmoyants
et historiques qui jalonnent le cinéma japonais de l’après-guerre.
Ses comédies satiriques et désopilantes sont de la veine de
celles de Minoru Shibuya et Kon Ichikawa.
Fidèles à l’homme, éternel rebelle, colérique, noctambule
et alcoolique, ses films se situent dans la faune citadine
où évoluent des anti-héros comme les hôtesses de bar ou les
protégées des hommes d’une classe supérieure. Meurtri par
la mort de sa mère puis celles de ses sœurs et par la maladie,
Imamura avait bien saisi la blessure que Kawashima
dissimule sous une désinvolture « il y a quelque chose
d’assez grave, d’assez profond, d’assez sérieux derrière ses
œuvres malgré les apparences » et sublime par un
goût du burlesque. Son amour pour le « rakugo »,
art théâtral comique populaire japonais se retrouve dans toutes
ses créations et en fait la force. Il aborde de manière souvent
absurde, toujours avec humour des sujets jusqu’alors évités
tels que la sexualité féminine, la réussite d’imbéciles audacieux,
le parcours des laissés-pour-compte. Ces sujets devaient par
la suite beaucoup inspirer Imamura qui fut son assistant et
son scénariste de 51 à 57. Les deux hommes très différents
malgré un attrait commun pour l’alcool nouèrent, non sans
un temps d’adaptation, des liens intellectuels et amicaux
très forts.
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