On le sait bien : l’été
qui a précédé ces Etats généraux a été celui de toutes les
colères, et pas seulement pour le monde de la culture. On
le sait mieux encore : l’époque est à la violence gouvernementale.
Une violence qui se fait de moins en moins feutrée, de moins
en moins diffuse, de plus en plus sauvage.
Les Etats généraux n’ont pas attendu le Medef pour se mettre
à réfléchir. Leurs origines participent d’une certaine critique
– politique, sociale, culturelle. Reste que, malgré tout,
cette édition 2003 a eu une saveur toute particulière. La
réforme du régime des intermittents, bien entendu, aura apporté
son lot d’épices.
« L’état d’urgence », donc, avait été décrété et
le menu, outre les projections, était des plus copieux. Plusieurs
ateliers de réflexion furent ainsi mis en place et divers
thèmes abordés : outre le protocole d’accord, des thèmes
plus « englobants » comme la précarité, le capitalisme
ou l’uniformisation culturelle furent ainsi passés à la moulinette
d’une réflexion singulièrement mordante.
Si ces ateliers furent de toute première qualité (malgré -
ou grâce à - une atmosphère parfois un peu houleuse), la programmation
fut également au rendez-vous. Et dans un contexte social aussi
exacerbé, les docs prirent un relief singulier.
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Ici, il faut évidemment
parler des films du groupe Medvedkine (1)
qui, dans les années 1967-1974, entre Besançon et Sochaux,
donna parole et caméra aux ouvriers de Rhodia et Peugeot.
Portraits de luttes, portraits d’ouvriers, ils forment un
corpus de films militants sur et par les ouvriers eux-mêmes.
Ils y parlent d’eux-mêmes, de leurs luttes, de leur classe,
de leur conscience.
S’il est difficile de parler de chaque film, on évoquera tout
de même, au moins brièvement, A bientôt, j’espère,
un des documentaire les plus intéressants de ce « cycle »
Medvedkine. Mars 1967, menaces de licenciements à l’usine
Rhodia de Besançon, une grève éclate. Plusieurs ouvriers sont
interrogés dans le film, dont un meneur syndical. Il parle
de son expérience de la lutte, de sa première fois « sur
un tonneau ». Un autre explique toute l’admiration qu’il
a pour « ces gens », pour ces meneurs et évoque
tout ce qu’il a pu apprendre à leur contact : « moi,
je venais de la campagne. En les fréquentant, je savais que
j’avais toutes les chances d’apprendre quelque chose ».
La phrase est d’importance, elle dit tout le propos du film :
donner à voir la dimension culturelle de la lutte syndicale.
Sans savoir, pas de poids face aux patrons – la connaissance
comme remède à l’exploitation. L’idée est à la fois étrange
et généreuse : généreuse parce qu’elle renvoie à cette
belle utopie d’un savoir libérateur et également partagé entre
tous ; étrange parce qu’elle ignore en partie la réalité
du mouvement ouvrier français, mort à force d’ouvriérisme
et d’anti-intellectualisme. Belle chose, belle chose singulière,
tout de même, que ce film.
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