Qu’est-il arrivé à l’Etrange Festival ?
Au-delà de la raréfaction même des films et des sections,
c’est le caractère « respectable » dans leur atypisme
des cinéastes invités, et la relative pauvreté en incunables
qui fit de cette édition, on l’espère, une édition de transition,
ouvrant la porte à toutes les refontes possibles d’un évènement
devenu pour nombre de cinéphiles une date ardemment attendue,
où s’oublient pendant une petite quinzaine de jours la grisaille
du contexte cinématographique actuel et la frilosité des politiques
de ressorties et de rétrospectives. Car l’Etrange Festival
a quelque chose d’un pèlerinage : du trop plein d’images,
de la violence des contrastes, émerge chez l’amateur le plaisir
forcément oxymorique du plus beau des grand huit cinéphilique,
capable de programmer dans la même soirée un classique du
film de karaté, la biographie intellectuelle de l’écrivain
japonais Mishima réalisée par Paul Schrader en 1983, et un
film fantastique d’une beauté troublante, Inugami de
Msaato Harada.
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Mais reste l’évidence :
« Etrangement », ce lieu imaginaire dédié à la déviance
et aux pulsions scopiques prit dans ses hommages des airs
d’institutionnalisation des marges, côtoyant plus que de coutume
un cinéma établi ou reconnu . La proximité artistique
de Masato Harada et Eloy de la Iglesia, s’inscrivant dans
une veine classique de cinéma de la dénonciation sociale,
faisait redondance dans un festival ou la diversité, voire
la confusion thématique, constitue un des charmes. Connaissant
le souci de ses organisateurs d’offrir à son public le meilleur,
on ne peut que s’inquiéter très sérieusement de la tournure
que prirent les évènements. Certes, les gourmands de pâtisseries
bollywoodiennes ou de ce que Takashi Miike n’a pas forcément
fait de meilleur (la trilogie Dead or Alive, pour ne
pas la citer) ont été comblés, mais un sentiment lancinant
de déjà-vu, de déjà expérimenté, parcourait ces soirées. Même
la pourtant attendue « carte blanche » offerte à
Gaspar Noé, potentiellement séduisante par l’intelligence
cinéphilique déployée dans ses films par ce William Lustig
français, se révéla empreinte d’une certaine timidité, à moins
que ce ne soit du fait du caractère par trop personnel de
sa sélection, dépourvu d’une réelle cohérence d’ensemble.
Ainsi le faux événement Elephant :
noyé entre des curiosités kitsch tels les films expérimentaux
des frères Whitney ou le médiocre porno Defiance of Good,
la violence sciemment déceptive des films d’Alan Clarke perdait
toute puissance. On notera l’évidence, des influences qui
ne s’embarrassent pas de distinction esthétique classique.
Peut-être en guise de rappel à l’ordre, la fréquentation de
ce festival fédérateur sembla en nette baisse, mal desservie
il est vrai par une rentrée sociale et culturelle des
plus moroses . Qui aime bien châtie bien… Au fil des
jours, heureusement, quelques pépites et redécouvertes parsemèrent
le chemin du chroniqueur. (on renverra par ailleurs au portrait
de Sonny Chiba, auquel un hommage fut rendu dans le cadre
de cette édition).
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