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Sans conteste l’œuvre la
plus aboutie de De la Iglesia, Le Député (El Deputador )
synthétise les qualités de son cinéaste : le goût
fassbiendérien de trouver le beau dans l’abjection, et cette
capacité étonnante à faire partager à son spectateur, sans
renoncer à leur complexité, des individualités marginales.
Construit comme un portrait, le film s’attache au parcours
d’un homme politique marxiste, confronté aux affres d’une
différence indicible même dans son milieu, son attirance pour
les jeunes hommes canailles. Ce qui peut de prime abord apparaître
comme un pensum caricatural résout l’équation mélodramatique
par une surenchère dans la description d’une altérité déviante,
s’inscrivant dans une description du désir homosexuel hérité
des cinéastes expérimentaux américains, ou cul de gitan et
fessier de dieu grec se superposent. En reliant les fils secrets
qui composent la personnalité de ce personnage fascinant de
droiture, Iglesia réussit le tour de force de donner à penser
l’engagement, en tant qu’il ne peut être qu’un choix de vie
global, dans toutes ses composantes.
Masato Harada
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Première rétrospective d’importance
consacrée à ce cinéaste en France, l’hommage rendu à Masato
Harada par l’Etrange Festival se distinguait par des choix
de programmation didactique, visant plus à circonscrire une
œuvre dans ses caractéristiques matricielles qu’à rechercher
l'exhaustivité. Dans le cas de Harada, par ailleurs
cinéaste toujours méconnu malgré l’intérêt de son travail,
la sélection offrait le mérite de sa simplicité : un
film de début de carrière, deux films clés, et le dernier
œuvre. Le travail de Masato Harada se distingue de prime abord
par sa versatilité : une caractéristique propre à leur époque
de réalisation (le grand syncrétisme maladroit des années
80), mais qu’Harada sut retourner à son avantage par un amour
des acteurs qui traverse tout son travail. Ses premiers films
d’importance sont l’une des premières adaptations « live »
d’un anime de SF (Gunhed), un néo-mélo (The Heartbreak
Yakusa), ou un road-movie (Kamize Taxi) .
Harada est à l’aise dans tous les genres, avec une nette prédilection
pour la mythologie du « seul contre tous » :
le cinéaste n’est d’ailleurs jamais meilleur que dans la description
émouvante, relevé d’une pointe de burlesque, de microcosme
viril. D’autre part, Harada s’est rapidement imposé comme
le pourfendeur des travers d’une société japonaise pervertie
par un sytème gérontocrate et intolérant. Sorte de Richard
Brooks nippon en plus maladroit, en moins aérien, tirant
du contexte social la matière première de ses films, il s’attaquera
brillamment au racisme (Kamikaze Taxi), pataudement
à la prostitution adolescente (Bounce Go-Gals), et
lourdement à des faits divers fondamentaux dans l’évolution
de la société nipponne (Choice of Hercules). Son cinéma
se place d’ailleurs sous le signe d’un cinéma hollywoodien
classique, celui des maîtres, dominé par la figure d’Howard
Hawks (que le cinéaste japonais rencontra par ailleurs dans
sa jeunesse). C’est précisément dans la reprise de motifs
hawksiens que les films d’Harada « décollent »,
lorsque, au détour d’une fuite éperdue dans les paysages ruraux
japonais, un assassinat se prépare doucement sur le mode de
la discussion amicale, au cours d’une balade en forêt (Kamikaze
Taxi), ou lorsqu’une amitié naît entre deux collègues
de crime, étincelle de dignité dans un monde évanescent (Heartbreak
Yakusa). Son plus beau film, et de loin, ce sera Inugami :
un conte paysan peuplé de démon femelle et de villageois intolérants,
où entre inceste passionné et portrait de groupes, description
attentive de l’intime et grandiloquence mythique, se croisent
des réminiscences des 7 Women de John Ford.
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