A l’occasion de la rétrospective intégrale
que le Centre Pompidou a consacré jusqu’au 3 novembre 2003
à Amos Gitai, Objectif-cinema.com revient synthétiquement
sur l’œuvre du cinéaste israélien, toujours en construction,
où les pierres documentaires s’enchevêtrent à celles de la
fiction.
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Etre né à Haïfa en 1950,
c’est pour le cinéaste israélien Amos Gitai une étrange condition.
Celle de voir le jour dans un monde absolument neuf, vidé
de la plupart de ses anciens habitants palestiniens lors de
la première guerre israélo-arabe (qui commença bien un an
avant le 15 mai 1948, date de la création officielle d’Israël),
et appelé ensuite à se transformer rapidement sous l’action
des nouveaux arrivants. Si Gitai s’est récemment fait connaître
auprès du grand public par quelques fictions qui ont rencontré
un succès commercial ou critique – Kadosh (1999),
Kippour (2000), Alila (2003) -, il s’est
d’abord confronté à une intense pratique documentaire qu’il
n’a d’ailleurs jamais abandonnée. Wadi 1, 2 et 3 raconte,
en 1981, 1991 puis 2001, l’évolution urbanistique et sociologique
d’une vallée située à l’Est de Haïfa. D’une manière un peu
similaire, en 1998, Gitai revient dans Une maison à Jérusalem
sur les lieux de son somptueux Beit (« maison »
en hébreu et en arabe), documentaire qu’il a réalisé pour
la télévision israélienne dès 1980.
Film courageux, Beit relate le chantier d’une maison
ayant appartenu à un médecin palestinien, expulsé lors de
la guerre des Six-Jours en 1967. La maison est en cours de
rénovation afin d’accueillir ses nouveaux occupants israéliens.
La caméra de Gitai s’attarde sur les marteaux qui s’abattent
sur les pics fendant la roche dans les carrières, sur la trajectoire
d’une main munie d’une truelle polissant un mur… Le chantier,
métaphore d’un Israël toujours en construction, est également
transfiguré par toute une esthétique sonore où se mêlent la
polyphonie des maillets et la musique sourde des bétonneuses
au travail. Surtout, la parole est donnée aux ouvriers arabes,
Palestiniens d’Israël ou des territoires occupés. « - Qu’est-ce
que cela te fait de rénover cette maison pour quelqu’un qui
n’est pas son propriétaire d’origine ? » demande
le cinéaste. « - Cela me fend le cœur, mais je
n’ai que cela pour manger », répond l’ouvrier. Il
y a dans cette captation d’un ouvrier palestinien travaillant
activement à son propre anéantissement national quelque chose
de profondément choquant. Tel fut du moins l’avis de Yossef
Tommy Lapid, aujourd’hui ministre issu du parti « laïque »
Shinouï, et à l’époque directeur de la Télévision publique
israélienne.
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